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de toute façon les intérêts particuliers de l’industrie anglaise, comment tenir son sérieux devant la douleur patriotique du colonel Sibthorp, lorsque celui-ci croit devoir protester « contre les tromperies et les fraudes à l’aide desquelles les étrangers attirent la préférence sur leurs marchandises en ruinant les respectables négocians anglais ? » Au milieu des splendeurs éclatantes de cette fête industrielle, qui est comme le premier concile oecuménique d’une nouvelle époque ; au milieu des explosions de bonne amitié qu’elle a provoquées entre Paris et.Londres, il n’est peut-être pas inutile de rappeler, comme nous le faisons ici, qu’il y a pourtant des ombres au tableau. Nous sommes toujours trop portés en France à nous figurer que l’histoire se compose de changemens à vue. Nous et nos voisins, nous étions bien près de nous battre en 1840, et l’on y allait de part et d’autre bon jeu bon argent. Nous nous embrassons aujourd’hui si fort, qu’il semble que ce soit pour la vie. En vérité, nous ne demanderions pas mieux, et nous sommes même, quant à nous, très persuadés que ces embrassemens finissent bien par rapprocher les esprits et les cœurs, comme sont déjà rapprochées les distances ; nais ce n’est pas à dire qu’il faille oublier complètement ce vieux fonds d’âpre originalité nationale, de mauvaise humeur et de dissidence qui demeure çà et là par-dessous les effusions d’une pensée plus cosmopolite. Le fond pourrait bien encore remonter à la surface, comme on l’a vu dans le mouvement produit par l’agression papale.

Rappelons aussi, parmi les derniers épisodes de la session dans la chambre des communes, un acte caractéristique pour l’histoire des mœurs parlementaires. On sait peut-être que, lorsque les communes sont sommées par l’huissier le la verge noire à se rendre en séance royale dans la chambres des lords, les honorables membres, suivant une antique et peu solennelle coutume, se jettent, se poussent derrière le speaker, qui s’avance jusqu’à la barre de la chambre haute, comme une troupe d’écoliers en récréation. Le besoin d’une meilleure tenue se faisant enfin sentir, on a nommé un comité pour aviser aux moyens de la régler ; lord John Russell est venu proposer que désormais, toutes les fois qu’il y aurait séance royale, la chambre, au lieu de répondre tout entière à la semonce et de faire invasion chez les lords, se contenterait de choisir au scrutin ceux de ses membres qui, avec les ministres tirés de son sein, seraient chargés de la représenter. La députation devrait marcher sur quatre de front, et le sergent d’armes aurait pleins pouvoirs pour mettre la main sur quiconque romprait les rangs. À la discussion, la mesure a paru quelque peu sévère, et il a été convenu qu’on s’en rapporterait, pour l’appliquer au sentiment des convenances : nous verrons si le naturel se corrigera plus vite en cette matière d’étiquette qu’en des matières plus sérieuses.

Les interpellations, qui troublent quelquefois si fort à contretemps la suite des travaux parlementaires, en couvrent aussi cependant les défaillances. Les interpellations se sont succédé coup sur coup dans les dernière séances des communes ; elles se rapportaient principalement à la politique extérieure et à la situation de l’Italie.

Cette situation préoccupe le gouvernement anglais, comme elle doit préoccupe tous les cabinets européens. Nous parlions déjà, il y a quinze jours, de l’anxiété croissante dont on ne pouvait se défendre à l’aspect de cette malheureuse Italie, où notre armée représente à grand’peine un principe d’ordre et de