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navigation, et, quoique le dommage soit plus grand pour la France que pour notre pays, il était du devoir du gouvernement anglais, de se mettre en rapport avec le gouvernement français sur cette question, afin d’arriver à une modification de régime qui fût avantageuse aux intérêts des deux peuples. Bien que les gouvernement français soit fort engagé dans le système des droits différentiels, il a néanmoins exprimé tout d’abord son vif désir de concerter avec nous des mesures de l’esprit le plus libéral. Cette assurance nous a été donnée verbalement et par écrit. Dans la dernière dépêche que nous avons reçue de France, des concessions considérables nous étaient faites ; cependant le gouvernement de sa majesté n’a pas pensé qu’elles fussent suffisantes. Nous ne nous en sommes pas contentés ; le Foreign-Office attend de nouvelles propositions à cet égard. »

Ainsi, d’après la déclaration, de lord Granville, la France serait sur le point de céder ; elle aurait déjà du moins fait des concessions considérables, et si ces concessions n’ont pas été acceptées, c’est qu’on s’attend à la voir bientôt adhérer purement et simplement aux dispositions du bill de 1849. C’est cet espoir qui seul pousse le gouvernement anglais à combattre en ce moment la demande des pétitionnaires qui voudraient que, dès aujourd’hui, ce gouvernement nous mît sur la gorge les articles 10 et 11 du bill, et nous sommât, sous peine de représailles, de conformer notre législation à la sienne. Bien que plusieurs membres, dans les deux chambres, se soient attachés à démontrer que des représailles seraient aussi funestes aux intérêts de l’Angleterre qu’aux intérêts de la France ; bien que le comte Gréy, en particulier, ait soutenu que ceux qui désirent voir tomber la France au dernier rang des nations maritimes n’ont qu’à la laisser s’entêter dans le régime bâtard qu’elle pratique aujourd’hui, il est à peu près hors de doute que l’Angleterre ne se bornera pas long-temps à faire de la liberté au profit de tout le monde, sans rien exiger en retour. Ces allures platoniques cadrent mal avec ses habitudes de calcul. Comme l’a fait remarquer un orateur des communes, M. Disraëli, les articles 10 et 11 n’ont pas été insérés sans raison dans le bill. Ce ne sont pas de pures clauses de style. Ils ont un sens bien déterminé et un but tout aussi facile à comprendre. Le gouvernement anglais, tout en défendant d’y recourir quant à présent, ne cache pas qu’en un cas donné son devoir serait de les appliquer. « Je ne dissimulerai pas, a dit encore lord Granville, que, dans mon opinion, si les négociations entamées avec les pays qui ne nous accordent pas la réciprocité venaient définitivement à échouer, le gouvernement aurait à examiner s’il ne conviendrait pas, même au prix de quelques sacrifices d’employer les moyens de cœrcition que le parlement a mis en son pouvoir. » Et il y a ici plus qu’une opinion exprimée en vue d’une hypothèse