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Le cabinet anglais négocie en effet avec la France, avec l’Espagne, avec le Portugal. De l’Espagne et du Portugal, on n’attend pas grand’-chose. C’est encore le vice-président du bureau de commerce qui le déclare. Il ne reste donc à tourner les yeux que vers la France.

Mais la Russie, dira-t-on, mais la Prusse et les états de la Baltique ? Pourquoi n’y songe-t-on pas ? — Pourquoi ? Par une raison toute simple : c’est qu’ils avaient déjà accordé à l’Angleterre, bien avant le bill de 1849, ce que l’Angleterre, aux termes de ce bill, était en droit de leur demander. Il y a même mieux : c’est la crainte, de voir ces puissances retirer des concessions restées pour elles sans réciprocité, qui a achevé de décider le cabinet anglais à présenter son bill. Vous avez dit à l’assemblée législative que les whigs n’avaient aboli l’ancien acte de navigation que pour avoir l’air de faire quelque chose après les réformes de M. Peel. Permettez-moi de vous faire observer qu’ils ont eu un motif plus sérieux. M. Labouchère, le président du bureau de commerce, n’a nullement fait mystère de ce motif. Déjà, depuis plusieurs années, la Russie, la Prusse, les ports libres de la Baltique, avaient fait des traités avec l’Angleterre, en vertu desquels les bâtimens de cette puissance pouvaient prendre des sucres à Rio ou à Cuba, et les porter à Saint-Pétersbourg ou à Dantzick. C’était l’admission du principe de la navigation indirecte. Mais l’Angleterre jouissait seule de cet avantage, auquel n’avaient aucune part les bâtimens russes ou prussiens. Ces états, à la fin, s’étaient lassés de jouer ce rôle de dupes, et les traités étaient dénoncés. C’est pour échapper aux conséquences de cette dénonciation, qui aurait porté un coup funeste à sa marine, que l’Angleterre a dû se décider à proclamer, elle aussi, le principe de la navigation indirecte. Seulement, au lieu de l’accorder à titre de réciprocité aux seuls états qui déjà l’en laissaient jouir, elle l’a offert à tout le monde, à charge de compensation.

Donc, en dehors des cinq pays qui ont adhéré dès le premier moment au régime du bill de 1849, il n’y a que la France que l’Angleterre ait véritablement désir et intérêt d’amener à composition. En quel état sont les négociations entamées avec elle ? Le gouvernement français ne s’est jamais expliqué à cet égard. Nous savons qu’il a nommé une commission d’enquête chargée de rechercher ce qu’on pourrait faire ; nous savons en outre qu’il est déjà engagé jusqu’à un certain point. Voici textuellement ce qu’a dit le comte Granville avec l’autorité qui s’attache à sa position officielle : « En ce qui concerne la France, ce qu’a dit le noble lord (lord Stanley) prouve seulement combien est impolitique et funeste un système qui prive les deux pays, la France et l’Angleterre, des meilleurs marchés qui puissent s’offrir à leurs produits respectifs. Les faits étranges qu’il a cités sont la conséquence d’une des plus absurdes dispositions des anciennes lois de