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anglais une cargaison dont partie est destinée à New-York, partie à San-Francisco. Il va débarquer à New-York la moitié de cette cargaison ; il relève ensuite pour la Mer Pacifique, où il dépose le reste. De là, il cingle vers la Chine et l’Inde anglaise, et, comme il a déjà réalisé un bon fret sur les deux premières parties de son opération, il peut sans dommage, charger à très bas prix, dans les ports de la Chine et de l’Inde, une nouvelle cargaison en destination de Londres ou de Liverpool. Il arrive donc sur le terrain même qui semblait devoir rester spécialement réservé à l’activité anglaise, et il y arrive dans des conditions qui lui permettent de faire au pavillon anglais une concurrence très vive. En fait, grace à ce système d’opérations, le fret de Calcutta en Angleterre est tombé de 5 livres 4 shill. à 3 liv. 13 shill., le fret de Bombay de 5 liv. 16 shill. À 2 liv. 15 shill., le fret de Madras de 4 liv. 5 shill. à 3 livres 9 shill., le fret de Maurice de 4 liv. 13 shill. À 2 liv. 12 shill. ; le fret des ports de la Chine s’est réduit de 44 pour 100. À ces prix, le pavillon anglais ne gagne rien, tandis que le pavillon américain, largement rémunéré déjà dans la première phase d’une expédition que seul il a pu combiner, accepte ces prix sans rien sacrifier de ses profits.

C’est à ces désavantages divers que les armateurs anglais attribuent la décadence que signalent déjà, selon eux, les états de leur mouvement maritime. En 1849, le pavillon national avait couvert, à l’importation, 4,884,000 tonneaux ; en 1850 il n’en a plus couvert que 1,700,000 : diminution, 184,000 tonneaux. — A l’exportation, il avait couvert 4,785,000 tonneaux en 1849 ; en 1850 il n’en a plus couvert que 4,742,000 tonneaux : nouvelle diminution de 43,000 tonneaux.

Pendant cette même période, pendant cette première année du nouveau régime, l’étranger a gagné au contraire dans les deux sens : — à l’importation, 364,000 tonneaux ; à l’exportation, 363,000 tonneaux.

Tels sont les griefs des armateurs ; tels sont leurs chiffres.

Quant aux chiffres, ils ne sont pas d’une exactitude très rigoureuse. Le comte de Granville, vice-président du bureau de commerce, a produit les états officiels, et il en résulte que, si l’année 1850 a, comparativement à 1849, perdu 311,831 tonneaux à l’importation, elle a, en revanche, gagné 198,582 tonneaux à l’exportation, ce qui réduit la perte totale à 113,249 tonneaux.

En outre, il est à considérer que, dans ces états, il n’est tenu aucun compte de la part que le pavillon anglais a prise au commerce indirect des pays qui ont adhéré au nouveau régime, commerce qui, avant le rappel des anciennes lois de navigation, était interdit à ce pavillon. Ainsi, aux États-Unis seulement, les dépêches des consuls anglais signalaient, pour les six premiers mois de 1850, de janvier à fin juin, 213 bâtimens anglais qui étaient arrivés de l’étranger dans les ports américains