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y est aimable à la fois et attendrissant. J’ai beaucoup entendu parler de Marie-Antoinette par les hommes qui avaient vu la révolution, et il n’y a pas un homme, pour peu qu’il eût quelque chaleur dans l’ame et quelque élévation dans l’esprit, qui ne m’en ait parlé avec émotion, non pas seulement parce qu’elle a eu la destinée la plus triste et la moins méritée, née sur le trône et morte sur l’échafaud, mais parce qu’elle a eu les deux qualités qui peuvent le plus plaire et toucher dans une femme et dans une reine : elle a été aimable et courageuse. Quoi ! cela seulement ? — Oui, une amabilité pleine de dignité et une dignité pleine de grace ; le ton et l’air de reine quitté et repris avec une justesse et une aisance singulière, le goût de plaire, mais à ceux-là seulement qui en valaient ou qui lui semblaient en valoir la peine ; aucun empressement banal, aucun désir de popularité. Elle était, comme on disait au XVIIe siècle, elle était fort particulière, c’est-à-dire qu’elle voulait être tout ce qu’elle se sentait pour un petit cercle seulement, et pour un cercle choisi, ne s’inquiétant pas de paraître au dehors, ne songeant pas au public. C’était là son charme comme femme ; ce fut son malheur comme reine. Comme elle n’aimait que ceux qu’elle distinguait et qu’elle ne pouvait pas distinguer tout le monde, elle eut pour ennemis tous ceux qu’elle ne distingua pas, et elle en eut beaucoup. Ajoutez à son amabilité un penchant à la raillerie, ou plutôt à la gaieté, qu’on érigea en fierté et en dédain. À voir conjurent l’amabilité naturelle et vraie de Marie-Antoinette a si cruellement tourné contre elle, on se prend à croire que l’indifférence et la banalité qu’on reproche aux princes sont pour eux des qualités et des moyens de défense plutôt que des défauts.

Le courage dans Marie-Antoinette n’était pas d’une nature moins exquise que son amabilité ; il était naturel et vif, toujours prêt, sans affectation et sans pompe, s’animant dans le danger, parce que le danger est une occasion d’héroïsme et qu’elle se sentait faite pour l’héroïsme. Marie-Antoinette eût mieux aimé employer son courage à braver le péril qu’à supporter le malheur ; elle avait plus d’énergie que de résignation, mais elle n’en fut que plus admirable quand, n’ayant plus d’autre usage à faire de son courage que la patience et la résignation, elle fut patiente et résignée dans la prison, au tribunal révolutionnaire et sur l’échafaud, en mêlant pourtant à sa résignation un air de fierté dont- e lui sais gré parce qu’il y a des outrages qu’il faut accepter devant Dieu par humilité, mais qu’il faut rabattre et vaincre par le mépris devant les hommes. Le malheur vient de Dieu ; courbons la tête ! mais l’outrage vient des hommes ; relevons-la !

M. de La Marck a fait sur Marie-Antoinette une notice qui est un véritable morceau d’histoire, écrit avec la simplicité de bon goût d’un homme du monde et avec l’émotion d’un homme de cœur. C’est dans