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calme vous ne savez pas qui je suis, et je sais, moi, qui vous êtes : un ami de don mon Rayon, et vous cherchez vainement sa trace.

— Qui vous l’a dit ? reprit avec vivacité Berrendo, dépité de se voir si bien deviné.

— Votre indifférence mal simulée, — pour moi du moins, — dans vos questions à l’égard de don Ramon à la neveria. L’air de contrariété que je lis sur votre figure m’apprend encore que j’ai touché juste, et vous êtes venu dans cette église pour voir les gens dont on vous a parlé, comme les seuls capables de vous dire, s’ils le voulaient, où est celui que vous cherchez. Ces gens sont les morts dont on a fouillé les tombeaux. Interrogez-les maintenant, si vous comprenez leur langage muet, vous qui n’avez pas su faire parler les vivans.

Ces singulières paroles, prononcées d’un ton grave, jetaient Berrendo dans une grande perplexité. Il ne ; savait s’il devait taire la vérité ou se fier à cet inconnu. Il prit le dernier parti, et, quand il eut avoué le but réel de ses recherches :

— Et vous, dit-il, les morts vous ont-ils appris ce que les vivans n’ont pu me dire ?

— Oui, reprit l’inconnu en souriant. Je serais peu digne de la profession que j’exerce et du nom que je porte, si je ne savais trouver les traces de ceux que je cherche qu’à l’aide des empreintes des vivans sur le sol. Descendez, comme je l’ai fait, au fond de ces sépultures, et la maçonnerie récemment grattée autour de ces ossemens vous dira ce qu’est venu faire ici don Ramon.

En effet, le partisan, dans son ardeur à susciter des ennemis à l’Espagne et à rechercher les moyens de destruction contre elle, était venu chercher jusque sous ces caveaux funèbres le salpêtre produit par l’humidité souterraine.

— Eh bien ! cela vous dit-il, ajouta Berrendo, où est don Ramon et comment il a pu si mystérieusement disparaître avec sa troupe ?

— Sans doute. Que doit-il le plus vivement désirer se procurer à présent, puisqu’il n’a pas respecté le repos des morts ? Du salpêtre pour faire de la podre et un asile sûr.

Berrendo convint de l’incontestable réalité de cette conjecture, en apparence du moins.

— Hier, reprit l’inconnu, en cherchant dans la campagne quelque trace à laquelle je pusse reconnaître le passage de don Ramon, auquel entre nous, je porte un message de son frère don Ignacio, j’ai entendu des bruits sourds comme ceux que font gronder les volcans à la bouche de leur cratère ; j’ai vu sur les flancs d’une colline s’élever une légère fumée, et j’ai pensé que ces rumeurs sourdes étaient le retentissement de la marche lointaine d’un corps de cavalerie espagnole qui sortait de Pucuaro. J’ai attribué la fumée de la colline au foyer d’un pâtre invisible ;