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les flancs de son coursier les molettes de ses éperons de fer, tandis que, docile à sa main, l’animal vint achever près du péristyle une de ses plus élégantes courbettes. Cette manœuvre fut si imprévue, et les fers du cheval vinrent battre le pavé si près de la jeune fille, qu’elle ne put retenir un petit cri d’effroi et qu’elle fit elle-même un brusque mouvement. Son rebozo glissa de sa tête sur ses épaules, et de ses épaules sur la natte de roseaux. Alors Berrendo put voir une charmante figure et les contours de deux épaules éblouissantes de blancheur ; mais le même homme qui tout à l’heure semblait avoir mille choses à dire ne trouva plus une seule parole à bégayer : il demeura ébloui et muet. Il ne recouvra la parole que lorsque le rebozo, vivement ramené sur les épaules et sur la tête de la belle Mexicaine., cacha de nouveau tout ce qu’il n’avait qu’un instant découvert.

— Pardon, señorita ! s’écria le cavalier, pardon de l’effroi que je vous ai causé ; mais, étranger dans cette ville, j’ai besoin de savoir s’il y a quelque auberge pour les voyageurs, et je prie Dieu qu’il n’y en ait pas.

— Et pourquoi cela, seigneur cavalier ? demanda la jeune fille d’une voix harmonieuse que celle du cenzontle, le rossignol mexicain.

— Parce que je vous supplierais alors de m’accorder l’hospitalité.

— Oui da ! reprit-elle avec un fier regard. Pensez-vous que la maison de ma mère s’ouvrît à un hôte tel que vous ? En tout cas, il y a une posada, et elle n’est qu’à deux pas d’ici.

La jeune fille se leva après avoir jeté dans les plis de son rebozo les cigarettes qu’elle avait roulées, et disparut derrière la porte avec une gracieuse fierté d’allure qui mettait en relief sa fine taille et ses larges hanches.

Caramba ! je risque bien de ne jamais retrouver don Ramon, s’il n’est pas à Pucuaro, se dit le jeune homme, car je ne pourrai jamais me résoudre à quitter la ville qui renferme ce trésor de jeunesse et de beauté.

Et il arriva au meson le cœur encore tout troublé de sa rencontre. Une fois installé dans l’hôtellerie, il se dit pourtant qu’il fallait songer a sa mission ; mais, pour la mener à bonne fin, il y avait certaines mesures de précaution à garder. Pucuaro ne semblait pas tenir pour l’indépendance, et un corps d’armée espagnol était campé dans le voisinage. Berrendo chercha donc par quels moyens il pourrait obtenir les informations qu’il désirait, sans compromettre ni don Ramon ni qui lui-même.

Après un frugal repas pris au meson, Berrendo n’eut rien de plus pressé que de chercher un prétexte pour revoir la jeune fille aux cigarettes. Il s’était dit qu’il pouvait sans danger s’ouvrir à elle du but de sa mission. Il se dirigea donc vers sa maison, qui n’était qu’à quelques