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tout est gracieux dans ce bijou de l’art ; mais sa petitesse et sa perfection étaient un double danger. Comment est-il debout ou comment n’est-il pas à Londres ? Situé du côté le plus escarpé de la citadelle, le phanari était moins exposé aux coups de la guerre. Si d’ailleurs il n’a point passé les mers, c’est que, il y a deux cents ans bientôt, la France l’avait acquis. En 1658, des capucins français s’étant établis à Athènes, le père Simon, leur directeur, acheta la lanterne à un Grec pour la somme de 350 écus. C’était pour rien. À peine le marché conclu, l’Athénien en eut regret, non à cause du prix, mais dans la crainte honorable que le chef-d’œuvre ne fût tombé en mains barbares. Un débat s’engagea ; cependant la vente fut confirmée, et le père Simon demeura maître du monument, à la condition toutefois de le respecter et de le montrer aux curieux qui le voudraient voir. Les bons pères ont gardé la foi jurée : à l’ombre de leur paisible monastère, le monument de Lysicratès est arrivé sans dommage jusqu’au règne d’Othon Ier. Bien plus, par une abnégation toute chrétienne, les successeurs du père Simon ont, en 1845, renoncé à leur propriété. La société archéologique s’est alors hâtée de dégager la base de l’édifice et de l’isoler de toutes parts. M. Piscatory avait offert de l’entourer d’un mur et d’une grille ; son départ d’Athènes et les événemens des dernières années ont empêché l’exécution de ce projet, qui eût définitivement attaché le nom de la France au monument chorégique de Lysicratès.

Quoique l’architecture de la Tourdes Vents ne soit nullement méprisable, ce n’est pas comme œuvre d’art qu’il convient surtout de l’étudier. Les vents, sculptés sur les huit faces de la tour, sont de médiocres figures qui tombent et rampent plutôt qu’elles ne volent dans le champ trop étroit où la corniche les resserre ; le toit est sans légèreté, et l’on se demande à quoi servent ses deux portiques d’un style équivoque. Cette tour, remarquablement conservée, ne saurait guère intéresser que les archéologues : c’est un monument de la gnomonique des anciens. Andronicus Cyrrhestes, qui la construisit en 159 avant Jésus-Christ, en fit à la fois un indicateur des vents, une horloge solaire et une horloge hydraulique ou clepsydre. Quoi qu’en ait dit La Fontaine, l’utile est plus communément apprécié, et partant plus sûrement respecté que le beau. Aussi n’est-il jamais pour un monument ancien de protection plus efficace qu’une destination actuelle dont il n’a pas à souffrir. Les Hellènes, qui ne l’ignorent pas, conçurent de bonne heure le dessein de ramener la tour de Cyrrhestes à son primitif usage d’horloge publique ; le sol de la rue d’Eole, où elle était enseveli jusqu’aux trois quarts de sa hauteur, fut creusé à une profondeur suffisante, et l’on entoura d’un mur octogones sa base déblayée. Un officier grec au service de la marine française, M. Palasca, fut invité par m’hétairie à examiner les nombreuses lignes tracées sur les faces de la tour et à s’assurer