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ces jeux de leur génie hardi autant que mesuré, et la frise de l’Erechteum l’eût attesté une fois de plus. Il reste de cette frise au musée d’Athènes sept statuettes mutilées d’une grace et d’un fini tels qu’on ne les peut attribuer qu’aux élèves ou tout au moins aux successeurs immédiats de Phidias. Quelle que soit la valeur de ces débris, ils n’offraient pas d’élémens suffisans à une restauration, et c’est à réparer les autres torts du passé envers l’Erechteum qu’a dû se tourner l’attention des Hellènes. Déjà les fines colonnes que l’on voit de la plaine dépasser au nord le mur vénitien avaient été ou rajustées ou rétablies ; des abords et de l’intérieur de l’édifice fouillés et nettoyés étaient sorties les figurines dont j’ai parlé, et avec elles, fortune, inespérée, une cinquième cariatide en morceaux que l’on croyait au Vatican et, intacte ; enfin une copie en argile de la sixième cariatide, la seule qui eût quitté le pays, était récemment arrivée d’Angleterre. À la rigueur donc, la société était en état de remplacer les parties soustraites ou détruites du Pandroséum, et elle s’y préparait lorsque l’argent manqua. Un ministre par qui la France était alors dignement représentée en Grèce, M. Piscatory, ne laissa pas avorter ce dessein ; il fournit des fonds et chargea un architecte distingué de l’école de Rome de mener à fin l’œuvre commencée. Sous la direction savante et désintéressée de M. Paccard, les deux cariatides, l’une en marbre et brisée, mais restaurée par le sculpteur Andreoli ; l’autre seulement en terre cuite, mais soutenue à l’intérieur par une colonne de fer, remontèrent bientôt sur leur piédestal, et l’on plaça doucement l’architrave, ce fardeau gracieux des six jeunes filles, sur leurs têtes belles et robustes.

De tous les petits édifices charmans et délicats qui semblaient être nés autour du Parthénon, de l’Erechteum et des Propylées, comme de jeunes rejetons au pied des grands arbres, un seul était parvenu jusqu’au XVIIe siècle. Je veux parler du temple de Nikè ou de la Victoire aptère, qui disparut emporté par une explosion en 1656. Il ne fut point oublié après sa ruine. M. Fauvel en rêvait la restauration, et Chateaubriand lui donna un regret. La commission archéologique nommée par le gouvernement grec, qui, avant la société, avait institué quelques recherches eut le bonheur de découvrir ce temple, abattu, mais presque complet, sous un bastion moderne, à gauche des Propylées. La reconstruction en fut ordonnée aussitôt. Le mur méridional de la cella était rebâti presque en entier quand la commission du gouvernement remit ses pouvoirs aux mains de la société archéologique. Celle-ci a continué et terminé l’opération à son honneur. Les colonnes canelées, les antes, les caissons, les architraves du temple, tout est présentement en place avec la frise même, enlevée par lord Elgin, et que, sur la prière des Hellènes, l’Angleterre s’est empressée de restituer… en terre cuite, comme elle avait fait déjà pour une des