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plus accessible, avait prédestiné le majestueux vestibule aux mêmes épreuves que le temple qu’il annonçait magnifiquement. Une explosion a emporté son toit et découronné ses colonnes ; ses poutres de marbre blanc ont soutenu pendant un siècle et demi le fardeau d’une maison turque, et naguère encore sa façade tout entière était encastrée dans l’épaisseur d’une grossière maçonnerie. Il ne reste plus trace de ces constructions étrangères aux Propylées : la voûte turque a disparu ; la porte grandiose du centre dessine sur le ciel son trapèze dorique, et, dégagées jusqu’à la base, les colonnes de la façade et du portique intérieur laissent apercevoir, le désordre triste, mais poétique, de leurs chapiteaux renversés. En fouillant au pied de l’édifice, dans le bastion occidental, les architectes de l’école de Rome ont découvert une marche du grand escalier de marbre qui, large comme les Propylées mêmes montait du fond de la vallée entre deux rangées de terrasses et de temples. L’imposant effet d’une pareille entrée que l’imagination conçoit à peine et que rien n’égalera jamais ne devait-il pas, comme le visage du Jupiter de Phidias, ajouter à la piété grecque, si près de se confondre avec le sentiment de l’art, aliquid adjecisse religini ?

Cette religion, ingénieuse à varier ses divinités et son culte, adorait sur l’acropole d’Athènes plusieurs Minerves à la fois, mais deux par-dessus toutes. La première, personnifiant la puissance et la pensée mêmes du maître des dieux, était fière, terrible, armée pour les combats ; la seconde, symbolisant plutôt la bienfaisante énergie de l’industrie et du travail agricole, inclinait à la paix et avait fait jaillir l’olivier des flancs arides de la pierre. À celle-là le Parthénon, d’un caractère simple et mâle dans ses vastes proportions ; à la seconde, le Pandroseum, petit, mais orné, exquis, composant, avec l’Erechteum et son péristyle, une énigme pour la science, et pour l’art un inépuisable sujet de délicieuses études. Les trois ennemis ordinaires de l’art antique, les Turcs ; les Anglais et la poudre à canon, avaient défiguré ce chef-d’œuvre. Il manquait une colonne angulaire et une cariatide prises par lord Elgin. La voûte turque, bâtie sur l’Erechteum et enfoncée pendant la guerre de l’indépendance par une bombe, pesait avec deux énormes poutres sur le portique septentrional, dont elle eût prochainement entraîné la ruine. Le sol et les décombres avaient envahi peu à peu la cella, et le portique des cariatides supportait à peine un reste d’entablement. C’eût été pour la société une joie et un triomphe, si elle avait pu rendre à l’Erechteum sa frise, parfaite sans doute comme lui. Une inscription et de nombreux fragmens retrouvés dans les fouilles ont démontré que cette frise se composait d’une suite de statuettes en marbre blanc exécutées séparément et fixées, au moyen de crochets métalliques, sur un fond de pierres d’Éleusis, dont la couleur noire donnait à ces figures un prodigieux relief. Les contrastes de la sculpture polychrome n’effrayaient pas les artistes grecs. Le beau trouvait toujours son compte à