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apporta à la Belgique un puissant secours en cette occasion, ne l’oublions pas. Sa sagesse leva le premier obstacle à l’indépendance en faisant adopter la politique de non-intervention ; son désintéressement supprima le second, et non le moindre assurément, par la ferme résistance qu’il opposa à toute idée d’incorporation et d’ambition de famille.

Après la question de la nationalité venait celle de la forme de gouvernement, grave question qui n’a cessé d’être agitée en Europe depuis la fin du dernier siècle jusqu’à nos jours. Il est intéressant de voir par quels argumens elle fut résolue en Belgique. La république était préconisée, à différens points de vue, dans un intérêt de prochaine réunion à la France, par MM. Lardinois, David et Camille Desmet, au profit de la liberté religieuse par l’abbé de Haerne, imbu des doctrines du journal l’Avenir. L’opinion de MM. Seron, Pirson et de Robaulx, qui l’appuyèrent pour elle-même et comme la forme de gouvernement la mieux appropriée à la démocratie, a seule du prix pour nous. Ce qu’ils dirent peut se réduire à ceci : « La république, mieux qu’un autre gouvernement, réalise le bonheur commun, parce qu’elle est fondée sur la volonté de tous ; là, la loi se trouve placée au-dessus du caprice d’une personne, et jamais la passion individuelle ne se substitue aux prescriptions de la loi. Autre avantage : les mœurs se conservent simples et austères à l’abri du luxe et de la prodigalité des cours. » A leur tour, les partisans de la monarchie constitutionnelle se levèrent et combattirent la république par deux espèces de raisons, les unes tirées de la situation particulière de la Belgique, les autres prises du fond même des choses et bonnes par conséquent à méditer en tout lieu : « Aucun système de gouvernement, dit M. Devaux, ne favorise l’intervention étrangère autant que la république ; les passions des partis les rendent indifférens sur les moyens : triompher est tout pour eux. Il est presque impossible qu’ils ne finissent par s’allier ouvertement, tout au moins par sympathiser et s’unir secrètement, chacun suivant ses intérêts, l’un avec telle puissance vaincue, l’autre avec une puissance rivale. C’est une vérité dont l’histoire des républiques fait foi presque à chaque page. » Les raisons des adversaires de la république parurent décisives au congrès, et, à la majorité de 174 voix contre 13, il se prononça pour la monarchie héréditaire. Restait encore l’entreprise la plus considérable et la plus semée de périls, l’organisation des pouvoirs de l’état et des libertés publiques. Là principalement apparut la science politique, l’habileté prévoyante du congrès belge. Cette assemblée donna à la Belgique la constitution qui la régit encore. Grace à cette constitution, nul en Belgique ne conteste aujourd’hui ni le principe du pouvoir, ni la forme du gouvernement ; les partis se combattent sur le terrain légal, et les mœurs prêtent appui aux lois.

L’Histoire du Congrès belge de M. Juste révèle chez l’auteur deux des plus essentielles qualités de l’historien, l’exactitude et l’impartialité. L’ouvrage de M. Laurent sur le droit des gens nous transporte dans un ordre d’idées et de problèmes historiques très différent de celui où s’arrête M. Juste. Prouver par l’histoire que l’humanité marche vers l’association et la paix, tel est le dessein de l’honorable professeur de l’université de Gand. Il étudie successivement les peuples anciens et les peuples modernes, divisant sa tache sur l’indication précise des événemens. Des deux parties promises par M. Laurent, la première seule a paru. Elle comprend l’Orient, la Grèce et Rome. En Orient,