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se disperse déjà ; il est un peu partout, à Londres et à Paris, en attendant la fin légale de la session qui aura lieu probablement d’ici à quelques jours. Dans cette courte session de deux mois, le parlement espagnol a cependant trouvé moyen de terminer la grande affaire de ces derniers temps, la question du règlement de la dette. Le sénat a voté tout récemment le projet de loi ministériel, déjà adopté par le congrès. Nous n’avons point à revenir sur la discussion parlementaire qui a eu lieu, et où des discours remarquables à divers points de vue ont été prononcés soit par M. Mon, soit par le président du conseil, M. Bravo Murillo. En réalité, le côté politique a trop souvent primé le côté financier dans cette discussion. Chacun avait visiblement son parti pris, et comme le cabinet a la majorité dans le parlement, son projet s’est trouvé par cela seul adopté sans modifications. Reste maintenant la plus difficile besogne, l’exécution pratique des mesures votées et sanctionnées. On ne saurait se dissimuler que le crédit du pays en dépend. Nous croyons que l’Espagne, avec ses ressources naturelles, peut suffire à cette charge nouvelle, qui d’ailleurs n’était point imprévue, et qu’il était de son devoir d’assumer le plus tôt possible vis-à-vis de ses trop nombreux créanciers. Après tout, la meilleure garantie du service de la dette comme de toute grande mesure financière, c’est une bonne politique, c’est le progrès de la sécurité générale. S’il y avait enfin dans la maison d’Isabelle II une descendance directe, ce serait une garantie importante pour cette sécurité trop souvent ébranlée de la monarchie espagnole. On annonce encore une fois officiellement que la reine a reçu les félicitations publiques au sujet d’une grossesse qui daterait déjà de cinq mois. D’autre part, on dirait que la nation veut aussi s’aider elle-même. Les intérêts matériels, qui ont si fort souffert, se remuent, les projets se multiplient. La canalisation de l’Èbre est au moment de s’accomplir, et portera la vie dans les provinces intérieures. Des propositions viennent d’être faites pour établir un chemin de fer entre Madrid et Iran ; le gouvernement a soumis aux chambres un plan qui pousserait celui d’Aranjuez dans la direction d’Alicante jusqu’à Almanza. Il est fort à désirer qu’un tel mouvement se régularise et prenne la place qu’il mérite dans les préoccupations du ministère : ce serait un réel service rendu à un pays où toutes les ressources abondent, et où les moyens d’en tirer profit manquent jusqu’ici presque absolument.

Nous continuons encore aujourd’hui nos nouvelles de Chine qui nous arrivent plus détaillées et plus significatives. On dirait que le Céleste Empire voit à son tour apparaître l’aube passablement sinistre d’une révolution sociale. La fièvre révolutionnaire semble, ainsi que le choléra, gagner jusqu’à ces lointains rivages. Des incidens qu’on aurait cru très médiocres sont devenus des complications très graves. Le nombre des bandits épars du Kwang-si s’est accru en même temps qu’ils se ralliaient les uns les autres. Les bandits sont maintenant des rebelles. Ils comptent quarante mille hommes sous les armes. Réunis d’abord pour le maraudage, ils paraissent avoir étendu leur ambition jusqu’à faire de l’opposition à la dynastie, et songent à constituer des indépendances provinciales. L’empereur, avec toute sa puissance, avec toutes ses troupes, non-seulement n’a pu dompter les insurgés, mais il a eu ses soldats battus dans plusieurs engagemens. La raison en est que le peuple du Kwang-si préfère les voleurs aux mandarins. Les premiers ne pillent que les riches ; les