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d’un si fier pinceau les splendeurs du trône monarchique et les médiocrités de la philosophie libérale. Il eût par là du moins évité la sévère justice que M. Baroche a si vigoureusement infligée à la plus éclatante, sinon peut-être à la dernière de ses conversions.

L’irritation provoquée par l’étalage extraordinaire d’une conversion si récente dominait sans doute encore l’assemblée nationale, lorsque M. Baroche lui-même, à la suite d’un malentendu qui dénaturait ses argumens, a failli subir le contre-coup des impatiences encore frémissantes, et s’est vu comme assiégé dans la tribune pour un mot mal compris. Cette scène et celles qui se rattachent au discours de M. Hugo sont d’ailleurs le seul épisode orageux de la discussion. Nous passons vite sur l’apparition plus ou moins insignifiante de M. Coquerel ou de M. Duprat. Le sens de M. Coquerel, qui est en soi bon et solide, a pourtant un malheur : il a la vue courte ; son esprit va se cogner lourdement aux angles les plus aigus de toutes les questions. Soit dit en passant, c’est cette myopie intellectuelle qui l’a mis du congrès de la paix. Ce que dit M. Coquerel aurait bien son effet ; seulement il ne voit pas où il faut le dire ni à qui, et il se fait ainsi très mal recevoir de tout le monde. C’est un homme évangélique qui, par caractère et par ministère, prêche la conciliation, et il s’arrange pourtant de manière à louer si bien les vertus domestiques de la branche cadette, qu’il a l’air de n’en plus rester pour la branche aînée ; encore la faute de la vue courte. Quant à M. Dufaure, il est toujours le sage qui se contente de peu. Nous sommes bien d’avis que le temps ne se prête pas aux vastes désirs ; mais désirer mieux que la constitution n’est pas encore désirer beaucoup : M. Dufaure le reconnaît et n’en exige pas moins qu’où l’on est on se tienne. C’est assurément de la prudence, c’est peut-être aussi quelque chose comme du patriotisme de clocher. Nous l’avouons, nous préférons hautement le patriotisme de M. Berryer et celui de M. Barrot. Les discours de ces hommes éminens ont trouvé de l’écho dans toutes les profondeurs de la sympathie publique. Légitimiste par ses antécédens, par sa position, par les liens de toute sa vie, M. Berryer est de son pays et de son temps par toutes les forces, par toutes les tendances de sa nature. Il s’est produit sans doute plus d’une fois de rudes tiraillemens entre ces tendances éclairées et les exigences de son parti. Il a son honneur à sauver, mais il souffrirait trop que ce fût en faisant violence aux lois, aux besoins de son esprit. Il sauve son honneur de chef de parti ; il dit : « Mon principe avant tout, d’abord le triomphe de mon principe et subsidiairement l’amélioration de la république ; » mais on voit qu’il ne jettera pas le manche après la cognée, qu’il ne jouera pas à la politique pessimiste, si, comme s’exprimait M. Barrot, son subsidiaire devient le principal. De même il tonne contre la réélection inconstitutionnelle du président de la république ; il ne veut la révision que pour l’empêcher ; mais enfin, puisqu’il la veut, c’est qu’il comprend aussi que la révision est une large route par où peut passer toute la France sans mauvaise honte pour personne. Les injures de son parti ne lui ôteront pas cette confiance.

Nous avons cité plus d’un passage du discours de M. Odilon Barrot. Ce discours aura été l’un des actes les plus honorables de sa vie ; on ne saurait unir plus d’abnégation à plus de dignité. Le ministre congédié par une velléité qui a malheureusement coûté trop cher ne s’est pas souvenu de la dureté