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doute l’une des causes les plus puissantes de la popularité du clergé, et cette popularité ne fut compromise que le jour où le patrimoine de l’église, envahi par des clercs indignes, cessa d’être le patrimoine des pauvres.

On le voit, la publication du Cartulaire de Notre-Dame soulève les plus importantes questions, car il ne s’agit de rien moins que du rôle social de l’église. Dans la préface de ce précieux document, les faits relatifs à Notre-Dame sont analysés et jugés avec beaucoup de précision ; c’est la première fois qu’une grande église est étudiée ainsi dans le détail de sa constitution intérieure, de son administration temporelle. Dans la partie de cette préface qui se rapporte à l’église universelle, les appréciations philosophiques sont toujours basées sur l’autorité des textes, et c’est là un mérite assez rare, car, dans les discussions qui concernent l’histoire ecclésiastique, et qui par cela même, touchent aux croyances, il est difficile de se défendre d’une certaine passion. Les écrivains qui ne se rangent pas sous la bannière de Voltaire se rangent ordinairement sous celle de Joseph de Maistre, et de Maistre, par son enthousiasme froidement dogmatique, toujours entaché de politique, est aussi loin parfois de la vérité que Voltaire l’est lui-même par son scepticisme impitoyable et son parti pris de tout blâmer. M. Guérard a fait preuve de tact en ne se montrant pas plus voltairien que néo-catholique, et c’est là, pour écrire l’histoire, une excellente condition. Il expose ce qui est, ce qu’il a vu dans le passé, sans viser au lyrisme, et encore moins au pamphlet. Il reconnaît que les abus furent nombreux dans l’église, que la conduite d’un grand nombre de membres du clergé fut répréhensible, que les plus grands scandales ont déshonoré le sanctuaire ; mais, après avoir fait la part du blâme, il fait dans une juste mesure et avec la même impartialité la part de l’éloge, et il arrive à conclure que les institutions de l’église n’ont produit que du bien, et que les passions des hommes seules et la barbarie des temps ont produit tout le mal. Sans doute, le clergé a quelquefois abusé de son pouvoir ; mais l’autorité placée dans les mains laïques s’exerçait-elle avec plus de douceur et d’intelligence ? Assurément non, et le clergé a beaucoup moins excédé ses droits que les autres ordres de l’état. Il s’est servi trop souvent des armes spirituelles dans l’intérêt de sa puissance politique, et cependant ces armes n’en doivent pas moins être considérées par l’histoire comme essentiellement utiles et bienfaisantes, car c’est par elles que l’église a combattu les guerres féodales, la fureur des duels, l’oppression des grands. L’église a eu des vassaux ; mais la première elle a affranchi ses serfs, et elle a donné à ses vassaux une existence plus assurée et plus tranquille. Elle a eu d’immenses richesses, mais elle les a employées au soulagement de toutes les misères ; elle n’a point par système, ainsi qu’on l’a