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filles ou payer sa rançon, s’il était pris dans une bataille ; mais, dans tous les autres cas, il avait besoin du consentement de l’évêque pour lever des contributions. Dans la rue Neuve en face de Notre-Dame, l’évêque avait la justice hors des maisons, à l’exception du cas de rapt et de meurtre, jusqu’à la grande rue du Petit-Pont ; mais la justice appartenait tout entière au roi, à l’intérieur des maisons de la même rue. À la fin du XIIIe siècle et dans le siècle suivant, les droits du prélat dans Paris reçoivent une grande extension. Il ne devait, ainsi que ses officiers et ses justiciables, plaider qu’au parlement. Il avait le tiers de la ville de Paris, cinq mille maisons environ, et en percevait les revenus une semaine sur trois. Il avait de plus toute la voirie de cette ville, la justice de la corporation des peintres, de celle des imagiers, brodeurs, émailleurs et fabricans de sceaux, la justice sur un grand nombre de fiefs voisins de Paris, des droits de péage sur les blés, les fruits, la quincaillerie, la pelleterie, le lin, le chanvre, le poisson de mer, etc. Les marchands étaient tenus de lui vendre au-dessous du cours et à crédit ; il conférait les maîtrises dans une douzaine de métiers.

La juridiction spirituelle de l’évêque n’était pas moins importante que sa juridiction temporelle : sa puissance et ses attributions épiscopales étaient nécessairement les mêmes que celles de tous les dignitaires de son rang ; mais les nombreux privilèges qui lui étaient accordés dans le gouvernement de son église lui assuraient, à certains égards, une position exceptionnelle et plus élevée. Depuis 1250, il jouissait du privilège de ne pouvoir être soumis à aucune sentence d’interdit ou d’excommunication. C’était là en quelque sorte un brevet d’infaillibilité délivré par le saint-siège, et, à de très rares exceptions près, les évêques de Paris se montrèrent dignes de la haute position qu’ils occupaient dans l’église gallicane.

Au-dessous de l’évêque, et quelquefois en face de lui, était placé le chapitre de Notre-Dame. L’origine des chapitres, on le sait, remonte jusqu’à saint Augustin. Ce grand prélat avait réuni un certain nombre d’ecclésiastiques qu’il envoyait, selon les besoins de la religion, aux diverses communautés chrétiennes. Ceux qui voulaient être admis dans cette pieuse association devaient distribuer, avant d’y entrer, leurs biens aux pauvres. Cette institution de l’évêque d’Hippone trouva de nombreux imitateurs en Occident, et, au VIIIe siècle, l’évêque Chrodegang, de Metz, appliqua aux chanoines les points les plus essentiels de la règle de saint Benoît. Louis-le-Débonnaire prescrivit l’adoption des statuts de Chrodegang, après les avoir fait retoucher par le diacre Climalar, et dès ce moment, dit Hurter dans son Tableau des Institutions de l’Église, les chanoines furent soumis à peu près à la même discipline que les maisons religieuses. Ils eurent une habitation commune, une table commune, un costume uniforme. Ils furent astreints à la prière, au travail, comme les moines, et prirent part, dans les