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VASILIKY


SOUVENIRS D'UNE CROISIERE DANS LES CYCLADES.




Pour les touristes de profession, un voyage en Grèce a d’ordinaire son programme tracé ; la plupart séjournent de préférence sur les points célèbres, dans telle ville fameuse, et ne s’extasient qu’en face des monumens consacrés par une gloire séculaire. Je me trompe fort, ou parcourir ainsi le Levant, ce n’est le voir qu’à demi. L’aspirant de vaisseau que les hasards d’une campagne dans l’Archipel auront promené d’île en île, des côtes d’Europe aux rives d’Asie, en sait plus long sur l’Hellade que beaucoup de ces visiteurs, qui se conforment aux prescriptions d’un méthodique itinéraire. Les scènes que j’essaie de retracer montreront peut-être combien la vie de marin ajoute de charme et d’imprévu à l’existence du voyageur, et ce que les beaux sites de la Grèce gagnent à apparaître ainsi brusquement, un peu sans ordre, au milieu des naïves admirations de la jeunesse et du premier éveil de la pensée.

Peu de mois après la bataille de Navarin, la frégate la Fleur de Lis, où j’avais embarqué en qualité d’aspirant, quittait Toulon pour rallier l’escadre de M. l’amiral de Rigny dans les mers de la Grèce. Quelques jours s’étaient passés à peine, et nous étions en vue du Péloponèse. Devant nous s’étendaient les champs de la Messénie, bornés par le mont Ithome ; dans le lointain fuyaient les côtes de la Laconie, la chaîne du Taygète et les blocs de rochers rouges que creuse l’Eurotas. Les calmes nous retinrent un moment entre les écueils du Ténare et l’île de Cythère, à l’entrée de l’Archipel. Un grain qui éclata de nuit