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témoigner, et celle de vous repentir de votre oubly pour une personne qui n’en peut jamais avoir pour vous, quelque exemple que vous lui en donniés. — Je vous supplie de demander à madame de Sablé de ma part si elle a receu et rendu à madame la comtesse de Maure une lettre que je lui ay escrite sur la prison de son mary, il y a déjà assez longtemps ; mais j’ay toujours oublié de luy demander ce qu’elle est devenue. Je vous supplie aussi de scavoir de la mesme personne, si elle m’a justifiée auprès de l’autre. »

Mlle de Rambouillet fait penser naturellement à Chapelain et à Scudéry. Chapelain, quoique dépendant de tous côtés du ministère, plus courageux que Mlle de Rambouillet, avait osé écrire à Bordeaux à Mme de Longueville sur une petite maladie qu’elle avait eue. Elle sent la noblesse d’un tel procédé, et le lui témoigne avec effusion. En même temps, elle lui demande la huitième partie du Grand Cyrus, qui paraissait alors. En la recevant, elle est surprise et touchée de voir que cette huitième partie lui est dédiée au milieu de ses adversités, comme la première l’avait été dans les jours de son plus grand éclat, en 1649[1]. Elle fait à Scudéry et à sa sœur des promesses qu’elle a

  1. Cette petite affaire est assez honorable aux lettres pour la faire connaître avec quelque détail. La huitième partie du Cyrus parut à Paris en 1652, dédiée à Mme de Longueville, avec l’A couronné (Anne de Bourbon) porté par un aigle et un Jupiter armé, et cette légende : Qui ne l’honore pas est digne de la foudre. La neuvième partie est du commencement de 1653, et encore dédiée à Mme de Longueville. La gravure représente un esquif battu par la tempête, et la Fortune sur sa roue, avec cette légende :

    Ce nom étant célèbre et sa gloire éclatante,
    Contre lui vainement je serois inconstante.


    La dixième et dernière partie est de la fin de la même année ; mais cette fois il y a une dédicace en règle et un portrait comme en tête de la première partie. Voici cette dédicace écrite par Scudéry lui-même dans ce faux style chevaleresque qui est la caricature de celui de Corneille, et qui gâte, en les exagérant, des sentimens vraiment généreux. « Madame, Cyrus veut finir par où il a commencé, et vous rendre ses derniers devoirs, comme il vous a rendu ses premiers hommages. Votre altesse scait que dans la plus grande chaleur de la guerre, et durant la plus aigre animosité des partis, l’on a toujours veû vos chiffres, vos armes, votre nom, vos livrées, et des inscriptions à vostre gloire sur ses drapeaux ; qu’il n’a point craint la rupture entre les couronnes, et qu’il vous a esté trouver en des lieux où il ne lui estoit pas possible d’aller, sans entre obligé de faire voir de quelle couleur estoit son écharpe, et sans qu’on lui demandast qui vive ! Si bien, madame, qu’après avoir passé à travers des armées royalles pour s’acquitter de ce qu’il vous devoit, il n’a garde d’estre moins exact en un temps où les choses ont aucunement changé de face, et où l’on ne peut plus l’arrester sans violer le droit des gens, aussi bien que l’amnistie. Il s’en va donc vous donner de nouveaux tesmoignages de la haute estime qu’il a pour vostre mérite, et au lieu de porter ses trophées à Persépolis ou à Ecbatane, il les va porter à Montreuil Bellay, afin qu’ils y soient tout à la fois des marques de sa servitude et de ses victoires. Comme je l’ay engagé dans vos interests, je n’ay garde de condamner ce que je ferois moy-mesure : et si vous honnorer et entre libre estoient des choses incompatibles, ce serait de la bataille que je vous dirois que je suis et veux toujours entre, Madame, de V. A. le très humble, très obéissant et très passionné serviteur, DE SCUDERY. »