Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/424

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assurent, qu’on ne peut avoir un moment de repos sur un subject sy douteux et sy important. Vostre costé cause aussi touttes nos inquiétudes, car pour le nostre il va à souhait ; nostre armée, après avoir pris Retel, commençant aujourd’hui à advancer en France du costé de Rheins, metant toute la Champaigne dans une espouvante telle qu’elle la donnera bientost à Paris ; de sorte que sy vous esludez tous les acomodements qu’on vous propose, il y a lieu d’esperer que nous nous reverrons tous à Paris cet hiver. J’ai encore une partie de mes piereries en Hollande pour les engager pour vous faire avoir des vaisseaux. Je donnerois d’aussy bon cœur mon sang, sy il estoit aussi utile. Je croy que vous n’en douttés pas, ny que je ne sois toutte à vous.

« Faittes mes compliments à Mrs vos généraux et à Mme ma belle soeur. Je pensse que la nouvelle de la naissance du fils de M. d’Orléans ne la resjouira pas plus qu’elle m’a resjouie. C’est à mon nepveu à qui il en faut faire des doléances. »

« 23 dessembre (1650.)

« Ces malheureux enfants d’une mère encore plus malheureuse qu’eux vont chercher un asyle auprès de leur cousin[1]. Faites-le agréer à leur tante[2], je vous en conjure, et de croire que c’est principalement à vous à qui je confie ce dépôt, comme vous cognoissant autant d’affection pour moi que de probité et de générosité, qui vous feront embrasser avec joie une occasion de servir une de vos amies aussi infortunée qu’affectionée pour vous. Nostre nouveau malheur[3] m’a contrainte de prendre le dessein que je viens de vous dire et m’a mise dans un besoin pressant de n’en point différer l’exécution, ce qui m’a empesché de demander cette permission à madame ma belle soeur. Mais j’espère qu’elle attribuera cette liberté à la nécessité qui me l’a fait prendre, et la pardonnera à une personne qui n’a de soing en ce monde que celui de contribuer à la tirer du malheur où elle est. Je vous conjure donc de vouloir faire recevoir ce que je vous envoye, et de ne permettre jamais qu’ils sortent du lieu où est leur cousin, que vous ne voyez par un billet de ma main que je le désire. C’est tout ce que je vous puis dire, et que malgré toutes nos malédictions nous resisterons à la fortune et la vaincrons plustot qu’elle ne nous vaincra. »

Transportons-nous maintenant au dernier épisode de la fronde. Quand le prince de Condé, après s’être réconcilié un moment avec la cour, se jeta de nouveau dans la guerre civile, il prit le midi pour champ de bataille, et fit de Bordeaux comme le chef-lieu de l’insurrection qu’il fomenta de toutes parts. Lui-même s’y rendit de sa personne, et y appela en 1651 sa femme, son fils, son frère le prince de

  1. Le duc d’Enghien.
  2. La princesse de Condé.
  3. Probablement la mort de sa mère, qui s’était chargée de la garde de ses enfans, dont la gouvernante était Mme de Bourneuf. Voyez Lenet, t. 1er, p. 130.