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ainsi que la beauté de style, qui caractérisent l’œuvre de Hempou Sedah, semblent justifier le titre d’Homère javanais que quelques savans lui ont donné. L’esquisse que nous venons de tracer des travaux accomplis jusqu’à présent par la Société de Batavia montre que, pour la variété, l’étendue et l’intérêt de ces travaux, elle peut être considérée comme marchant de pair avec les compagnies savantes les plus distinguées de l’Orient et de l’Europe.

ED. DULAURIER.


HISTOIRE DES PEINTRES DE TOUTES LES ÉCOLES DEPUIS LA RENAISSANCE JUSQU’A NOS JOURS, par MM. Charles Blanc et Armengaud[1]. — La publication de cet important ouvrage est à la fois trop peu avancée et trop morcelée en monographies sans liaison chronologique, pour qu’il soit possible encore d’en déterminer le caractère général. Entreprise quelques mois après la révolution de février, dans des circonstances où nous étions tentés de nous occuper du temps actuel beaucoup plus que des siècles écoulés, elle courait grand risque de paraître inopportune. Le moyen de nous distraire des émotions politiques par le spectacle des œuvres de l’art ? On n’y avait guère réussi dans deux occasions récentes, ou plutôt l’application du principe de la liberté illimitée au Salon et à l’exposition des figures de la République avait obtenu un tout autre succès que celui qu’on s’était promis. Dans le domaine de la peinture, comme ailleurs, les épreuves subies à cette époque eurent le mérite d’être promptement décisives ; mais aussi l’on pouvait craindre qu’elles n’eussent amené en dernier résultat l’indifférence pour les beaux-arts et pour tous les travaux qui s’y rattachent. Il y avait donc quelque péril à mettre au jour, dans de telles conditions, un recueil de gravures d’après les anciens maîtres, et à venir raconter l’histoire des diverses phases de la peinture à des gens qui ne se souciaient que de l’histoire des révolutions sociales. Cependant l’habile reproduction de quelques tableaux des écoles française, flamande et hollandaise attira d’abord l’attention des artistes sur la nouvelle publication ; peu à peu chacun remarqua ces livraisons, très préférables à tous égards aux livres illustrés qui figurent sur les tables des salons, et l’Histoire des Peintres ne tarda pas à être classée parmi les ouvrages d’art sérieux. Il n’y avait que justice en cela. Toutefois il est assez difficile jusqu’à présent d’apercevoir le but précis que se sont proposé les auteurs et les limites où ils prétendent se renfermer. Le titre même a quelque chose d’énigmatique. Annonce-t-il le dessein de nous faire étudier la vie et les œuvres des innombrables peintres qui, à tort ou à raison, sont arrivés à la célébrité ? Dans ce cas, il faudrait que plusieurs générations d’écrivains et de graveurs se succédassent pour poursuivre et mener à fin une entreprise qui eût effrayé des bénédictins. Ou bien devons-nous y voir seulement l’intention de présenter en regard les uns des autres les hommes qui résument le mieux les tendances et la gloire des différentes écoles ? Mais alors pourquoi certains peintres d’un talent fort secondaire se glissent-ils dans ce temple dédié au génie ? Étrange Panthéon et d’un accès un peu trop facile que celui où le nom de Hubert Robert est accolé aux noms de Poussin et de Lesueur, où Steenwick trouve sa place à côté de Rembrandt ! En outre, dans quelle acception est pris ce mot de renaissance, qui sert de date et de point de départ ? Marque-t-il l’époque de la régénération de la peinture au XIIIe siècle,

  1. Paris, chez Jules Renouard et Cie.