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à tenir en même temps contre les exigences d’une réaction fanatique et contre les prétentions de l’extrême démocratie. Ils travaillent jour par jour avec un zèle digne de tous les éloges à ne laisser le champ libre en Piémont ni aux Autrichiens, ni aux mazziniens ; ils sont dans la véritable voie des destinées piémontaises.

Est-ce donc pour cela que M. Brofferio, que M. Valerio ne cherchent qu’à susciter des obstacles sur leurs pas ? Dans cette discussion du traité de commerce, ç’a été un spectacle singulier de voir cette ridicule opposition piémontaise attaquer la France avec tous les lieux communs dont notre montagne fournit l’étranger contre nous, et en appeler bravement à la France régénérée de 1852. C’est sur celle-là qu’ils comptent peut-être pour les faire ministres à la place de M. d’Azeglio et de M. de Cavour ; elle en ferait bien d’autres ! En attendant, l’éloquence sérieuse de ces deux hommes d’état a vengé l’alliance française des injures sans portée qu’on avait essayées contre elle, et, après un débat de trois jours, le traité a été voté par 89 voix contre 31.

Nous regrettons de ne point suivre aussi régulièrement que nous le voudrions les vicissitudes curieuses qui s’accomplissent dans ces pays lointains de l’extrême Orient, où la France a pourtant, aussi bien que l’Angleterre, des intérêts et des représentans. Signalons aujourd’hui du moins le grave changement qui s’accomplit dans les rapports de la Chine avec l’Europe. Le nouveau gouvernement chinois se montre de plus en plus hostile aux étrangers, et il médite évidemment de réduire les barbares à la condition qui leur était faite dans le Céleste Empire avant les traités. Le fameux Ki-ing, qui passait pour leur être favorable, a été dégradé ; les chrétiens sont renvoyés en exil ; les décrets qui les protégeaient ont été annulés dans tous les actes officiels du cabinet et dans ceux de hauts dignitaires de l’empire. Les missionnaires sont horriblement maltraités ; l’empereur, qui s’est associé à cette réaction dès son avènement, couvre de sa signature les écrits les plus injurieux que les vice-rois lui envoient contre les prêtres, et les publie dans la gazette de Pékin. Les autorités chinoises excitent elles-mêmes le peuple, et les Anglais de Chang-haï se sont vus obligés de renoncer à prendre possession de terrains qui leur étaient attribués dans les conventions, parce que les magistrats ne les protégeaient plus contre les insultes grossières dont on les poursuivait. Il paraîtrait même qu’à Amoy le brick anglais aurait tiré sur la ville, et, malgré la constance avec laquelle le gouvernement britannique s’applique à éluder un conflit général dont les suites lui seraient plus onéreuses qu’utiles, on a lieu de croire que la paix sera de plus en plus difficile à maintenir. L’empereur a même affecté d’inscrire comme un titre méritoire, dans le décret par lequel il envoyait un nouveau magistrat à Amoy, que le motif de son choix était « la vigueur notoire avec laquelle cet officier avait réduit les barbares révoltés à l’obéissance. »

Pendant que la Chine recommence ainsi à se fermer aux Européens, et provoque à peu près impunément des ressentimens dont la satisfaction coûterait peut-être trop cher, il se pourrait bien qu’un autre empire, dont l’accès était encore plus impraticable, s’ouvrît maintenant à l’activité dévorante des États-Unis. Les États-Unis, et surtout le nouvel état de Californie, aspirent hautement à se frayer l’entrée du Japon ; ils y ont besoin d’un port, et les Américains,