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jour soulèvent mon dégoût. Les vers que je lis prétendent m’inspirer de l’enthousiasme, et en même temps ils évoquent en moi un sentiment incompatible avec l’enthousiasme : j’entends au fond de mon être comme un chaos de dissonances. — Tel est l’effet que produisent trop souvent et Byron et nos poètes pittoresques. Leur imagination s’amourache follement sans prendre conseil de leur jugement. Lors même qu’ils ne contredisent pas nos sympathies morales, ils ne les touchent pas, ils ne les convient pas à la fête. Pour reprendre une métaphore qui me semble plus expressive, Byron n’écrivait que des mélodies passionnées, comme Thomas Moore ne chantait que des mélodies folâtres ; leurs successeurs au contraire sont des harmonistes. Ils ont fait une conquête à peu près semblable à celle du clair-obscur et des effets de couleur qui ont permis à la peinture de produire des accords avec des nuances, des contours et des jeux de lumière, tandis qu’auparavant elle ne pouvait en produire qu’avec des reliefs et des lignes.

Dans sa Princesse, M. Tennyson ne se présente plus à nous comme un poète lyrique. Cette fois il s’agit d’un récit moitié réel et moitié féerique qu’il a intitulé Macédoine, et non sans raison, car il s’y astreint peu aux convenances du genre narratif, et, à vrai dire même, il n’en a pas toutes les qualités. Le préambule de son œuvre nous transporte au château de sir Walter Vivian. C’est jour de fête champêtre. Le baronnet a ouvert ses domaines à la foule, et, sur les pelouses du parc, « les patiens professeurs de l’institut voisin amusent les spectateurs du village en leur enseignant des faits. » Il y a séance de physique amusante.

C’est donc la science populaire du XIXe siècle que le poète rencontre « sous les nefs balsamiques des hauts tilleuls. » Dans l’architecture de la villa, c’est la Grèce qu’il retrouve. Dans la bibliothèque, ce sont de vieilles chroniques remplies de légendes chevaleresques ; dans un coin retiré du parc, ce sont les ruines d’une chapelle du moyen-âge, et, au milieu des ruines, la société du château, la tante Élisabeth et Lilia. — On babille à l’aventure. Les jeunes gens s’étendent sur leurs hauts faits de collège. Lilia, « la pétulante Lilia à demi femme à demi enfant, » parle de l’émancipation des femmes ; son frère parle des petits jeux du soir et des histoires du jour de Noël, que chacun continue à tour de rôle. Rien de plus charmant que ce passe-temps, tous en tombent d’accord, et aussitôt la jeunesse, pour se distraire, entreprend de conter une de ces folles histoires.

À en croire le poète, il n’a fait que mettre en vers cette Iliade improvisée. Comme la résidence de sir Walter, son récit renferme un peu de tout. Le rêve de Lilia en forme le canevas. il est question d’une princesse du Midi qui veut émanciper son sexe, et qui, pour y travailler, a réuni autour d’elle les jeunes filles des états de son père. — Rien