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année 436, étaient venus assiéger Toul et Metz ; il les châtia rudement, puis les reçut à composition, et fit avec eux une nouvelle alliance plus étroite, à laquelle ils restèrent fidèles. Quant aux Franks saliens, les ayant surpris non loin d’Arras pendant la célébration d’une noce, il leur enleva le fiancé, la fiancée et tous les préparatifs du festin, et chassa leur roi Clodion, l’épée dans les reins, jusqu’à ses cantonnemens de l’Escaut. En 435 et durant les années suivantes, il délivra la Touraine et l’Anjou des incursions des Bretons armoricains, dont la petite république indépendante ne montrait pas moins de turbulence que les barbares fédérés. À l’est, il assura la frontière des Gaules, en domptant les montagnards des Alpes noriques, qui s’étaient révoltés ; il fortifia celle du nord en colonisant sur la rive gauche du Rhin une tribu de Franks trans-rhénans qui la ravageait, et à laquelle Aëtius, « après d’immenses massacres, » disent les historiens, imposa l’obligation de servir l’empire : ce fut la souche des Franks ripuaires. Il distribua aussi des terres aux Alains qui servaient dans son armée, cantonnant les uns en Armorique, sur les confins de la petite Bretagne, et les autres dans les campagnes du Rhône, autour de la ville de Valence, boulevard principal des insurrections à l’orient des Gaules. Enfin, se croyant sûr des bonnes dispositions des Burgondes envers l’empire, il étendit leurs cantonnemens sur la rive gauche du Rhône, dans toute la partie de l’ancien territoire allobroge, qui s’appelait alors Sapaudia, la Savoie : son but était de créer un contre-poids à la puissance envahissante des Visigoths, et de mettre une force amie sous la main du préfet du prétoire, qui avait l’ennemi à ses portes.

Tant de guerres contre les barbares intérieurs et extérieurs n’avaient pas exempté la Gaule des déchiremens de la guerre civile : Aëtius dut combattre en 436 et 437 une terrible insurrection de Bagaudes (c’est ainsi qu’on appelait les paysans révoltés). Leurs bandes, grossies par des esclaves fugitifs, promenaient la flamme et le fer à travers les cités du centre et de l’est, et ne laissaient après elles que des ruines. Aëtius les battit en plusieurs rencontres, prit leur chef Tibaton, qu’il fit mettre à mort, et moitié par la rigueur, moitié par la clémence, apaisa cette jacquerie gauloise.

L’île de Bretagne s’était volontairement séparée de la communauté romaine, espérant se protéger plus efficacement elle-même contre les ravages des Pictes et des Scots que ne le faisait sa métropole, absorbée par tant d’autres soins. Après trente-sept ans d’illusions déçues, de faiblesse et de misère croissantes, elle voulut redevenir romaine : Rome ne le voulut plus. En vain ses députés présentèrent au patrice Aëtius, qu’on regardait en Occident comme l’empereur de fait, la supplique fameuse intitulée Gémissement des Bretons, où on lisait ces touchantes paroles : « Les barbares nous poussent vers la mer, et la mer nous repousse