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théologien. Les divisions qu’il entretint à plaisir au sein du christianisme, la faiblesse et l’avilissement qui en furent la suite amenèrent la réaction païenne de Julien. Après Julien, l’empire eut deux empereurs chrétiens, mais appartenant aux deux églises rivales : Valentinien Ier, aïeul maternel de Placidie, était catholique ; Valens, son collègue et son frère, était arien. Tandis que l’un, par une ferme et libérale administration, conservait en Occident la foi de Nicée, l’autre la persécutait en Orient, et, tout en cherchant à étouffer l’église catholique, il laissait l’église arienne s’éparpiller et se dissoudre en mille sectes sans nom. Cette mauvaise politique porta ses fruits. Revenu à la confiance, le polythéisme rallia ses élémens dispersés : Constance avait suscité Julien ; Valens provoqua le sénat de Rome, qui était le génie païen de la république et l’ame de toutes les réactions religieuses. Le sénat proclama du haut du Capitole la légitimité des insurrections de Maxime et d’Eugène. Théodose, élevé au trône d’Orient dans le moment où les luttes se préparaient, prit hardiment le seul parti qui pouvait rendre quelque cohésion au christianisme, il supprima l’église arienne ; rétablissant en Orient l’église catholique, il la fortifia, il la fonda, comme institution publique, sur un ensemble de lois qui prirent le nom de loi catholique, loi d’unité[1]. Cette reconstitution du gouvernement chrétien lui donna la force d’abattre les deux terribles insurrections qui s’étaient abritées sous les bannières de l’ancien culte national.

Au reste Théodose, en panant le catholicisme pour son instrument d’unité, ne consulta pas seulement ses convictions orthodoxes ; d’autres raisons encore purent l’y déterminer, raisons générales et plus politiques que religieuses, quoique tirées de l’essence des dogmes et de la constitution des églises. Arius n’avait pas aperçu d’abord la conséquence fatale de sa doctrine ; il ne s’était pas dit que toucher à la divinité du Christ, livrer à l’arbitraire des discussions le mystère fondamental sur qui tout reposait, c’était enlever à l’institution chrétienne, comme religion de l’état, les caractères d’autorité et de fixité inséparables d’une institution publique. En permettant à chacun de mesurer, suivant son intelligence et son vulgaire bon sens, la part de divinité à laquelle le fondateur du christianisme avait droit, on risquait de voir cette part réduite à néant par quelque raisonneur intrépide, et alors le christianisme tombait de son rang de religion émanée de Dieu même, seule infaillible et seule vraie comme lui, au niveau d’une secte déiste bizarrement enveloppée de formules platoniciennes et juives, ou bien encore il allait se confondre avec ces essais de philosophie théurgique

  1. Lex catholica ; leges de unitate vel unitatis, unitas. – Ce sont les termes du code théodosien.