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va, gare au septième ! » Il y vit un pronostic de mort prochaine, qu’il sembla prendre à tâche de réaliser.

Veuve pour la seconde fois, Placidie prit possession du palais de son frère ; elle s’y installa avec l’appareil et les manières d’une souveraine. Augusta eut sa cour, ses conseillers et presque ses ministres ; elle eut sa garde de soldats visigoths, présent de son premier mari, braves barbares dévoués à sa personne, et qui servaient toujours en elle leur ancienne reine. Dans cet état, Placidie s’abandonna sans modération à son désir de commander. Intelligente et passionnée, elle afficha orgueilleusement son crédit ; elle se mêla de tout ; elle sembla tout faire. Ceux qui connaissaient le caractère ombrageux d’Honorius et sa puérile jalousie pour tout ce qui regardait son pouvoir ne comprenaient rien à cette tolérance excessive, à cette espèce d’abdication dont il donnait le spectacle ; mais bientôt on ne l’expliqua que trop bien par l’amour incestueux qu’il avait conçu pour sa sueur. L’indigne fils du grand Théodose, condamné à une enfance perpétuelle, portait dans sa vie privée comme dans sa vie publique le cachet d’une nature débile et corrompue. Son histoire n’était qu’une longue révolte de désirs effrénés soit d’ambition, soit d’amour, contre le sentiment douloureux de son néant. En politique, il tuait ses ministres, comme en amour il répudiait ses femmes par rage de son impuissance. Le dérèglement de son imagination s’étant porté sur sa sueur consanguine dont la beauté brillait encore d’un vif éclat, la passion qui le maîtrisait ne tarda pas à se manifester à cous les yeux. Les contemporains n’ont dévoilé qu’un coin de ce triste et honteux mystère ; mais ils nous en disent assez sur Placidie, quand ils nous montrent la veuve d’Ataülf, dans l’intérieur du palais, se fortifiant de l’appui de deux femmes, dont l’une était sa nourrice Elpidia, et de l’assistance de son intendant Léontius, pour repousser de criminelles obsessions, puis l’amour furieux d’Honorius se transformant tout à coup en une haine plus furieuse encore[1]. Augusta accepta cette guerre avec hauteur et la soutint avec résolution. Des appartemens secrets du gynécée, la lutte passa au dehors. On vit Honorius s’entourer de précautions extraordinaires, comme s’il eût cru sa vie menacée ; bientôt il accusa hautement sa sœur de conspirer contre ses jours et contre son trône, et d’entretenir des intelligences avec les barbares. La garde visigothe de Placidie fournissait peut-être un prétexte à cette imputation par la chaleur immodérée de son zèle. Enfin tout le monde prit parti dans la querelle ; la cour, l’armée, le peuple, se divisèrent ; on se disputa, on se battit, et plus d’une fois les places de Ravenne furent ensanglantées.

Dans cette lutte inégale, la femme devait succomber. Bannie du palais

  1. Prosper Tyro dit positivement que sa vie fut exempte de toute tache morale. Post irreprehensibilem conversationem vitam explevit.>