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AËTIUS ET BONIFACIUS.




EPISOES DE L'HISTOIRE DU CINQUIEME SIECLE.




Le Ve siècle de l’ère chrétienne est un des plus importans à étudier pour qui veut connaître à fond l’histoire des nations modernes. C’est de là qu’elles datent pour la plupart. Elles y sont nées de ce mariage du monde civilisé et du monde barbare, se donnant la main sur des ruines, comme Ataülf et Placidie sur les dépouilles de Rome saccagée. Quand bien même l’histoire du Ve siècle n’aurait pas pour nous, peuple sorti de ce mélange, une sorte de droit au respect filial, il en aurait un certainement à l’intérêt du philosophe qui recherche curieusement les métamorphoses diverses de l’humanité, car nulle époque ne fut remplie de plus bizarres contrastes, de changemens plus imprévus, de plus immenses misères, produits du contact violent d’une civilisation efféminée avec une barbarie graduée à l’infini, et qui allait s’élevant jusqu’à la férocité de la bête fauve dans le Ruge, l’Hérule ou le Hun.

Dans un précédent récit, j’ai essayé de peindre le barbare en proie aux séductions romaines, fasciné et vaincu : Ataülf aux pieds de Placidie[1] ; je montrerai ici le Romain vis-à-vis de lui-même, du gouvernement de l’empire et de cette société vouée à tous les désordres, dans laquelle la vie morale était encore plus profondément troublée que la vie matérielle. Un signe qui ne trompe jamais sur la mort des sociétés,

  1. Voyez les Aventures de Placidie dans la Revue des Deux Mondes du 1er décembre 1850.