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peut être rendue au moins probable aux yeux de la raison, et, ce qu’il importe surtout de remarquer, l’homme qui accepte la réalité de la révélation divine se trouve par là en présence d’un ensemble de vérins et de promesses qui s’imposent à l’adhésion de son esprit, indépendamment des variations de son sentiment intérieur, parce que la révélation s’est produite comme un fait historique hors de la sphère de la conscience individuelle. Les vérités chrétiennes agissent sur moi avec une intensité dont le degré varie ; mais, au sein même de cette variation, je continue à savoir que ce sont des vérités : elles ne cessent jamais d’être à mes yeux une autorité légitime.

On ne peut supprimer l’un de ces deux élémens, — l’un extérieur, l’autre interne, — sans que les bases de la vie religieuse ne soient profondément ébranlées. La valeur du fait intérieur est-elle méconnue, il ne reste qu’une croyance pure, qui ne sort pas de la région de l’intelligence et ne saurait agir sur la vie pour la transformer. Concentre-t-on toute la religion dans les seuls sentimens de l’ame en élaguant la croyance, on tombe dans des inconvéniens tout aussi graves : une sorte de vague mysticisme, qui repose tout entier sur des états individuels et passagers, prend la place de la foi. Les sentimens, et même les plus élevés, sont mobiles et variables par leur nature ; on ne peut rien construire de fixe sur un terrain aussi mouvant. Chez celui qui ne croit qu’en raison de ce qu’il éprouve, un ralentissement de zèle devient un doute, la froideur de l’ame est presque une presque une négation, et la vérité, flottant au gré d’impressions fugitives, ne peut devenir d’une conviction proprement dite. La philosophie de M. de Biran avait débuté par la seule étude des phénomènes intérieurs ; il en était venu reconnaître la nécessité d’élargir ce terrain trop étroit. Après avoir essayé d’appuyer ses idées sur le seul fondement du moi individuel, il avait reconnu qu’elles n’avaient de base solide qu’au sein de Dieu, l’existence suprême. De même, les sentimens intérieurs du chrétien s’offrent d’abord à lui comme constituant le christianisme tout entier ; si sa carrière eût été plus longue, il en serait venu sans doute à reconnaître aussi la nécessité de sortir de ce point de vue insuffisant pour rétablir dans sa place légitime l’élément extérieur de la religion révélée.

Les vues de M. de Biran sur le christianisme étaient donc incomplètes, mais profondément sérieuses, parce qu’elles étaient dans son esprit le reflet des besoins les plus impérieux de la conscience. Il se sentit appelé, non à leur faire une place à part, mais à leur subordonner la chaîne entière de ses pensées. Le mur de séparation que l’on est convenu d’élever entre la religion et les recherches purement rationnelles ne pouvait subsister à ses yeux. Il avait déjà indiqué ce, point de vue dans un examen, demeuré inédit, des opinions de M. de