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Il est grand temps, après ces excursions lointaines, de revenir sur nos pas et de retourner au point de départ. N’oublions pas que, pour notre pays et même pour le monde entier, le principal intérêt du concours universel, c’est la lutte de l’Angleterre et de la France : voilà les vrais combattans de ce pacifique champ-clos. Le reste, à rigoureusement parler, n’est qu’accessoire. L’exposition anglaise occupe toute l’aile gauche du Palais de Cristal, c’est-à-dire la moitié de l’ensemble. Elle couvre plusieurs hectares de terrain. À la décrire minutieusement, un gros volume ne suffirait pas ; aussi n’est-ce point mon intention de marcher pas à pas dans ce dédale sans fin de produits de toutes espèces, de toutes couleurs. Je voudrais esquisser de loin cet imposant spectacle, rechercher dans l’aspect, dans les tendances de l’industrie britannique, le caractère, les mœurs et l’esprit des. Anglais, noter leurs rapports avec nous comme leurs dissemblances, et n’aborder les détails de leur exposition que pour y chercher des pièces justificatives. L’Angleterre est le plus puissant pays de la terre : tel est le cri qui vous échappe involontairement à la vue de ce bazar formidable qui fait contrepoids à l’univers entier, et où tout semble avoir été entassé par la main des Titans. Dès que vous pénétrez dans cette longue galerie, un bruit de fer presque effrayant se fait entendre ; à droite et à gauche, servant de fond aux objets fabriqués, les grands moteurs respirent, les machines à vapeur retentissent, les pistons frappent, les béliers hydrauliques font jaillir des fontaines, les métiers sont en mouvement, ils filent, ils tissent : ce monde de bronze semble se hâter, comme si dans son ardeur fiévreuse il voulait couvrir la terre de ses œuvres, ou la broyer d’un pôle à l’autre. Puis, au second étage, au-dessus de ce volcan en éruption, où réside une force incommensurable, et qui vomit des fleuves de cotonnades, de draps, de fers et d’outils, vous apercevez des monceaux de diamans, des rues entières bordées de bijoux d’or, de pièces d’argenterie ; au fond enfin, des modèles de navires en miniature, une escadre immense, toujours à la voile, comme prête à porter dans toutes les mers ces résultats de l’intelligence, de la richesse, du travail et du courage. Ai-je arrangé à plaisir ce croquis de l’exposition anglaise pour y trouver l’Angleterre elle-même ? Non ; il en est ainsi, chacun peut le voir, la nation s’est peinte dans son œuvre, et, si nous descendons aux détails, l’image sera plus frappante encore. Que voit-on sous ce globe énorme ? C’est le tunnel aérien dans lequel les wagons d’un chemin de fer glissent au-dessus des mâts des navires ; là-bas, ce sont les appareils de drainage, grace auxquels les Écossais dessèchent les marais, fertilisent un sol ingrat et donnent aux pays les plus favorisés du ciel des leçons d’agriculture. Plus loin, nous voyons briller des marbres, des soieries, nous apercevons des fruits inconnus, des graines exotiques ; ce sont les étalages des