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il sera de courte durée et racheté cent fois par le mouvement commercial qui se fera sentir surtout autour de l’exposition. » Ainsi fut décidée la construction en verre qu’avait proposée Paxton, le jardinier en chef du duc de Devonshire, et qui devait produire l’effet incomparable dont nous avons tâché de donner une idée ; grace aux mécontens, on fut délivré des murs épais et probablement de ces affreuses briques jaunes que la fumée de Londres estompe et noircit en quelques jours. Ce n’est pas tout, l’opposition revint à la charge. « Vous construirez en verre, dit-elle, c’est à merveille ; mais ces beaux arbres qui couvrent l’emplacement que vous avez choisi, qu’en ferez-vous ? oserez-vous les couper ? Ces arbres appartiennent au peuple anglais ; nous les aimons, nous les avons vus toujours, nos enfans jouent sous leur ombrage ; de quel droit abattrez-vous ces arbres qui forment à eux seuls tout l’agrément de ce soin du parc, qui est notre square à nous ? — Vous avez raison, répondit-on ; aussi nous n’abattrons pas ces arbres, nous les renfermerons dans notre palais, et, au lieu d’avoir froid cet hiver, ils seront pour la première fois de leur vie en serre chaude. » De l’obligation de conserver ces ormes résulta la nécessité d’élever à une hauteur inattendue la voûte du palais. Il prit à cause de cela ses dimensions colossales, et, presque sans qu’on y eût songé, il se trouva que ces arbres, heureusement respectés, donnaient à l’ensemble une merveilleuse beauté.

Il faut revenir à l’exposition et n’en plus sortir, maintenant que nous avons esquissé son histoire. À une première visite, il est impossible de se rendre compte d’aucun détail, et il serait maladroit, quand tout vous attire, quand l’aspect général domine votre curiosité, de s’attarder aux expositions différentes et de commencer des inspections partielles. C’est bien assez de contempler en un seul coup d’œil ce panorama universel. On n’a pas trop de cinq heures pour s’assurer qu’on erre à la fois dans les cinq parties du monde. À lire simplement les suscriptions des expositions diverses, à regarder les couleurs de tous les drapeaux de la terre, l’intérêt ne faiblit pas un instant. J’étais attiré surtout, j’en conviens, par les noms de ces contrées lointaines que l’on s’attend si peu à rencontrer sur les tables de l’industrie, que l’on ne connaît que par le souvenir encore récent des aventures presque fabuleuses des marins qui les découvrirent. La terre de Van-Diemen, l’Australie méridionale (South Australie), la Nouvelle-Zélande, etc., sont-ce là des noms qu’on puisse lire sans surprise en face des étalages réservés à la Belgique, à la Hollande, au Zollverein ? J’y joindrais volontiers la Trinité, la Guyane, le Canada, la Nouvelle-Galles et vingt autres encore. N’était-ce donc pas sur ces rivages, dont l’existence même était presque mise en doute, que nos grands-pères périssaient dans des naufrages dont les récits enthousiasmaient notre enfance ? Ces