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sous prétexte de faire de la haute et savante restauration, que l’on éveille en sa faveur, que l’on appelle à sa défense tout ce qu’il y a d’hommes sensés. Les partisans les plus avoués d’une résistance systématique, dès qu’ils ont un peu de mesure et de prévoyance, en viennent maintenant à résister non plus aux libéraux, trop complètement battus pour être encore dangereux, mais à ces bizarres conservateurs qui ont inventé de détruire tout ce qui est bel et bien debout dans le présent pour conserver tout ce qui a cessé d’être. On ne se figure pas combien l’opposition a gagné jusque sous les dehors indifférens de l’apathie universelle : ce n’est plus l’humeur frondeuse des tribuns parvenus, c’est la loyalty, l’incontestable dévouement des bons serviteurs du pays qui cherche à se mettre partout en travers des mauvaises tendances où l’on pousse les gouvernemens.

En Hanovre, M. Stüve, perdant courage, semble décidément renoncer à la vie politique et quitter le parlement, comme il a quitté le ministère. En Hanovre comme en Wurtemberg, comme en Saxe, le ministère est obsédé par une cohorte de mécontens qui se lancent sur lui de l’extrême droite, et gourmandent son inertie, accusent ou raillent son incapacité, crient à la désolation quand il ne leur obéit pas tout de suite. En Wurtemberg, en Saxe, on est rentré purement et simplement dans l’état de choses qui existait avant 1848, comme si les inconvéniens des chartes ultérieures avaient effacé tous ceux des chartes précédentes. Il s’en manque de beaucoup depuis quelque temps que les cabinets se forment en Allemagne avec toute la correction des règles constitutionnelles ; les bureaucrates y ont reconquis leur place, et leur présence au pouvoir est une garantie très rassurante contre les empiétemens de l’influence parlementaire ; mais l’esprit de la bureaucratie allemande est après tout un esprit éclairé. Cet esprit se prête volontiers peut-être aux douceurs du commandement absolu ; il ne faut pas croire qu’il en aime de prédilection les absurdités et les impossibilités. Les ultras de la droite ne s’abusent pas là-dessus ; la bureaucratie allemande est de son siècle, tandis qu’ils font comme s’ils n’étaient pas du leur. Entre les bureaucrates et les féodaux, entre les absolutistes éclairés et ceux qui, par philosophie ou par brutalité, ne veulent d’aucune espèce de lumières, il y a toujours eu chez nos voisins une guerre assez vive. C’est cette guerre-là et point d’autre qu’y supportent aujourd’hui presque tous les cabinets. Déjà plus d’une fois on les a vus forcés d’acheter de leurs adversaires une trêve ou un patronage qu’ils ont chèrement pavé. Les hommes de l’école constitutionnelle les plus respectables, les plus modérés, n’ont en cette situation qu’un seul rôle qu’ils puissent accepter : ils soutiennent et contiennent ces cabinets, qui ne sauraient leur être bien sympathiques, pour tâcher encore d’empêcher des sacrifices par trop coûteux.

Ainsi, en Bavière, ce sont les comtes Giech et Armansperg, les présidens Arnold et Heintz, des conservateurs par excellence, qui supplient leurs collègues fanatisés de ne point manquer à des promesses données dans une heure solennelle. Et qu’est-ce pourtant qu’on leur refuse à grand renfort de dédains et d’ironie ? De mettre en Bavière, dans l’administration de la justice, l’ordre qui est maintenant établi en Autriche et en Prusse, ou bien d’assurer l’indépendance des notaires, qui est toute dans l’intérêt bien entendu de la noblesse propriétaire comme des autres propriétaires fonciers. Ces simples réformes de