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joyeux compagnon, don Ruperto Castaños. C’était avec lui que je chevauchais depuis ce moment ; c’était lui qui m’avait indiqué la maison de doña Faustina Gonzalez à Tepic comme notre point de réunion dans cette ville. À une lieue environ de Tepic, cédant à une impatience trop bien justifiée par nos pénibles marches à travers la Sierra-Madre, j’avais devancé le capitaine, et j’étais déjà depuis près d’une heure installé sous le toit hospitalier de doña Faustina, quand don Ruperto, haletant et soucieux, vint me rejoindre.

— Quelle fâcheuse rencontre avez-vous faite ? lui demandai-je, surpris de son émotion inaccoutumée.

— Fâcheuse en effet, répondit-il. Villa-Señor est de retour dans ce pays, et nous sommes bien près du hameau de Palos-Mulatos.

— Vous parlez par énigmes, mon cher capitaine ; je ne connais ni Villa-Señor ni le hameau de Palos-Mulatos.

— Vous avez raison, mais vous allez me comprendre. Villa-Señor est un ancien officier, qui, lors de la guerre de l’indépendance, servait en qualité de capitaine dans les rangs espagnols. Fait prisonnier dans une escarmouche par un de mes compagnons d’armes, un gaucho venu du Chili au Mexique, et qui s’appelait Cristino Vergara, Villa-Señor ne sortit de ses mains que pour être soumis à des raffinemens de torture dont je vous épargne le récit. Aujourd’hui bien des années se sont écoulées depuis l’époque où les hasards de la guerre firent tomber momentanément Villa-Señor au pouvoir de Vergara. L’ancien prisonnier du gaucho est rentré au Mexique, qu’il n’avait pas revu depuis les luttes de 1811. C’est lui que je viens de rencontrer aux barrières de Tepic, et j’ai eu le malheur de laisser échapper devant cet homme, devenu l’ennemi mortel de Cristino Vergara, quelques mots qu’il n’aura eu garde d’oublier.

— Quelle est donc cette révélation si fatale ? demandai-je en souriant au capitaine.

— J’ai appris à Villa-Señorr que Cristino Vergara habitait le hameau de Palos-Mulatos.

— Eh bien ?

— Eh bien ! le hameau de Palos-Mulatos est à quelques heures de Tepic, et dans quelques heures peut-être un de ces deux hommes, le gaucho ou l’Espagnol, aura cessé de vivre. Comprenez-vous maintenant ?

— Je comprends que, si vous tenez à réparer votre étourderie, nous n’avons qu’un parti à prendre, quelque fatigués que nous soyons : c’est de ne faire ici qu’une courte halte, et d’aller coucher à Palos-Mulatos, chez votre ami le gaucho Vergara.

Le capitaine me remercia d’avoir pris l’initiative d’une proposition