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par le radicalisme ne soit résolue définitivement par un accord entre le roi de Prusse et la confédération.

Quant au Valais, plus heureux que ses voisins, il a vu la conciliation s’opérer jusqu’à un certain point entre les divers partis. Le besoin de réformes et de progrès s’y faisait sentir d’une manière aussi générale qu’urgente. Avant la guerre du Sonderbund, l’antagonisme qui divisait en deux camps le Haut et le Bas-Valais avait déjà donné lieu à des luttes sanglantes, dans lesquelles la violence des passions s’était satisfaite. L’occupation fédérale ayant imposé un changement constitutionnel, tous les bons citoyens comprirent qu’il fallait faire le sacrifice de leurs opinions exclusives, oublier les dissentimens antérieurs et unir leurs efforts pour tirer le meilleur parti possible de la nouvelle situation faite à leur pays. Un pareil exemple indique aux cantons placés encore sous le coup du marasme révolutionnaire la seule voie de salut qui leur soit ouverte. Une réaction violente ne servirait qu’à perpétuer le mal en préparant de nouvelles crises plus funestes. Heureusement des symptômes assez nombreux semblent annoncer que le radicalisme a fait son temps en Suisse. Si le gouvernement fédéral ne rompt pas entièrement avec lui, du moins il tend à s’en séparer, et ce n’est plus là qu’il cherche sa force. Il ne peut sans doute renier son origine, il a des ménagemens à garder ; ses membres appartiennent tous plus ou moins au parti radical. M. Ochsenbein y figure à côté de M. Druey. À la vérité, celui-ci a pris sans trop de peine les allures du diplomate ; tous ses actes officiels portent le cachet bien marqué de l’esprit gouvernemental, et, si deux ou trois fois le vieil homme a reparu dans des circonstances d’ailleurs étrangères à ses nouvelles fonctions, il est permis de croire que ce ne fut qu’un calcul politique de sa part pour conjurer d’avance l’orage que soulèveraient infailliblement ses décrets contre les réfugiés. Quant au chef de l’expédition des corps-francs contre Lucerne, il paraît s’être bien modifié depuis qu’il siège dans le conseil fédéral. Il est plus ouvertement encore que M. Druey revenu aux idées d’ordre et de légalité. Cependant on comprend bien que les hommes portés au pouvoir par la guerre du Sonderbund et par la révolution fédérale se trouvent dans une position difficile vis-à-vis de l’espèce de réaction qui s’opère autour d’eux. Ils ne peuvent ni l’appuyer ni la combattre. Quel que soit le changement produit en eux par la pratique du pouvoir, ils préfèrent attendre qu’une nouvelle sanction populaire vienne déterminer plus positivement leur ligne de conduite. Au mois d’octobre prochain aura lieu le renouvellement intégral de l’assemblée fédérale, et l’on peut espérer qu’alors l’opinion publique se prononcera de manière à rendre impossible le maintien du régime radical.

En général, dans les cantons allemands, on paraît las d’agitation. C’est chez eux que le mouvement radical a pris naissance ; mais il ne s’y est nulle part développé comme dans les cantons français. Leurs révolutions furent d’abord dirigées contre des privilèges plus ou moins abusifs qui créaient des inégalités politiques incompatibles avec les idées modernes. Les bourgeoisies des villes avaient conservé certains droits qui servirent de prétextes pour soulever le peuple des campagnes. Les anciens gouvernemens aristocratiques, rétablis par le pacte de 1815, tombèrent l’un après l’autre devant les progrès de la démocratie, dont les doctrines gagnaient chaque jour du terrain parmi les esprits les plus éclairés. On n’arriva pas tout de suite au suffrage universel, ni même à