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des pamphlets, et d’accuser misérablement, son courage ; mais c’est trahir la pauvreté des ambitions qu’on nourrit pour soi-même en termes dignes de les exprimer que de lui dire, comme on l’a fait : « Vous n’étiez ni au défrichement, ni aux semailles ; vous n’avez eu l’envie de paraître qu’à la moisson ! » (Soyez tranquilles, par parenthèse, vous que la moisson intéresse si fort, la moisson n’est pas prête !) Autant vaudrait, en vérité, s’associer aux sottes grossièretés des journaux anglais, s’en prendre aussi à la pieuse reine Marie-Amélie, et la rendre, personnellement responsable de cette campagne électorale. En parcourant du regard ces insolences, que vont ramasser on ne sait où pour les glisser dans une feuille étrangère des plumes tenues par on ne sait qui, — en lisant que l’auguste veuve avait joué la comédie sons ces habits de deuil, et pendant la messe mortuaire, célébrée pour le repos de l’ame du roi son mari, un souvenir nous est revenu que nous ne pouvons encore et que nous ne voulons point écarter. Nous nous sommes rappelé une de ces lettres intimes, un morceau de cette correspondance de la famille royale que le pillage des Tuileries avait jeté à tous les vents ; celle-ci était tombée dans des mains respectueuses, c’était une lettre de la reine à l’occasion de l’anniversaire de la mort du duc d’Orléans. Tous ses enfans étaient loin d’elle, et elle écrivait à l’un d’eux : « Pour moi ; disait-elle à peu près avec une grandeur et une tristesse incomparables, je reste seule, loin de mes chers enfans, pleurant ceux qui ne sont plus et priant Dieu qu’al protège les autres sur terre et sur mer. » L’ame qui a connu de pareilles douleurs et de pareilles consolations ne saurait plus guère être sensible à d’autres maux et à d’autres biens ; les vicissitudes politiques doivent la laisser assez froide ; elle met son espoir plus haut, et c’est de plus haut aussi qu’en récompense lui vient sa sagesse. Nous désirons ardemment pour la maison d’Orléans la longue assistance de cette vertu maternelle ; nous désirons qu’elle lui soit une sauvegarde contre les trames et les séductions des habiles de toutes les nuances.

Retournons encore une fois à ces habiletés des hommes de parti que nous prétendons caractériser en détail pour qu’on soit mieux à même de les juger. Il y a maintenant deux habiletés en lutte dans ces deux partis rivaux que nous inspectons et sur lesquels nous tâchons d’édifier le public. Chacune de ces deux candidatures qu’ils arborent est supportée par une tactique différente ; des deux côtés, on a son procédé. Les inventeurs de la candidature du prince de Joinville combattent la révision ; les avocats trop pressés de la candidature du prince Louis Bonaparte combattent la loi du 31 mai : c’est à cette préoccupation respective que l’on peut discerner les uns et les autres, c’est en cela qu’ils sont des hommes de parti avant d’être les hommes de la France. Ils ne s’estiment pas assez sûrs de l’opinion pour lui remettre leur cause, et ils sont beaucoup plus soucieux de la rendre à tout prix victorieuse que de la subordonner sincèrement au jugement du pays. Pourquoi les premiers ne veulent-ils pas de la révision ? pourquoi la repousseront-ils avec l’hypocrisie de leurs précautions oratoires ? pourquoi, selon toute apparence, tenteront-ils aussi d’empêcher qu’on avance les élections, ce qui serait une révision comme une autre ? C’est qu’ils aimeraient fort éluder cet indispensable jugement du pays et arranger une sorte de révolution sans émeute comme une simple combinaison parlementaire. Pourquoi les seconds se sont-ils repris d’une passion si étrange