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coûteuse, un grand livre de la dette publique, des centimes additionnels, l’accroissement inévitable des impôts, un présent plein de malaise et d’inquiétude, un avenir inconnu qu’on ne peut s’empêcher de redouter en voyant la décadence de tout ce qui avait fait jusqu’ici le lustre et le bien-être de la petite république. Grande leçon pour ces pays où, de faiblesse en faiblesse, de concession en concession, de bouleversement en bouleversement, on abandonne l’un après l’autre les principes sur lesquels repose l’ordre social, et l’on marche d’un pas rapide vers le joug du radicalisme, le pire de tous !


III. – LES RADICAUX DANS LA SUISSE ALLEMANDE.

À Genève et dans le canton de Vaud, le parti radical s’offre à nous sur son plus brillant théâtre, représenté par ses chefs les plus habiles. Dans le reste de la Suisse, il a été moins heureux, il n’a guère réussi que par la terreur brutale, et son règne a déjà fini sur quelques points.

Dans la guerre du Sonderbund, la ville de Fribourg avait succombé la première. Soit qu’il fallût accuser les chefs militaires de trahison ou d’impéritie, elle s’était rendue sans combat, et l’on n’avait pas même fait observer bien scrupuleusement la capitulation qui lui avait été accordée. Dès que les troupes fédérales l’eurent occupée, le parti radical, qui ne formait à Fribourg qu’une très petite minorité, — trois à quatre cents hommes environ, — se rassembla dans la salle du théâtre, et se hâta de poser les bases d’une constitution nouvelle, en ayant soin de décréter qu’elle ne serait point soumise au peuple et ne pourrait être modifiée en aucune façon avant un terme de dix ans. C’était procéder assez cavalièrement et se jouer sans trop de gêne du suffrage universel ainsi que de la souveraineté populaire ; mais le parti radical sentait bien que l’appui des baïonnettes fédérales faisait toute sa force : il voulait en profiter pour établir un système durable, se réservant ensuite d’employer, s’il le fallait, la violence et la terreur pour étouffer les tentatives de révolte, quand il se retrouverait seul en présence de la majorité opprimée.

Ce calcul était certainement habile, et il obtint un plein succès. La population, frappée de stupeur, laissa faire. On mit en prison quelques membres de l’ancien gouvernement ; on dressa une liste de suspects, et on les mit largement à contribution ; on supprima des couvens ; on prit des mesures rigoureuses, contre la presse. En un mot, le premier résultat de cette révolution faite au nom de la liberté fut de donner l’essor au despotisme radical, qui se mit aussitôt à l’œuvre sans scrupule et sans pudeur. Il est vrai qu’autrement la révolution eût été immédiatement suivie d’une réaction qui aurait nécessité de nouveau la présence des troupes fédérales. À Fribourg, l’ultramontanisme dominait de telle sorte, que les préparatifs de défense faits pour s’opposer à l’expulsion des jésuites avaient causé dans le peuple un enthousiasme fanatique. Le parti libéral proprement dit n’y comptait qu’un fort petit nombre de membres éclairés. Après avoir essayé en 1830 de faire entrer le canton de Fribourg dans la voie du progrès sage et graduel, ils s’étaient vus obligés de battre en retraite devant la majorité du grand conseil, toute dévouée à l’ultramontanisme. Leur opposition légale, leur caractère modéré, ne convenaient pas plus à l’un qu’à