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des haras considérables, et dès le XIIIe siècle on achetait pour l’amélioration des races des béliers de Espagne et d’Angleterre.

Nous ne suivrons pas plus long-temps M. Delisle à travers les détails de son livre. Ce que nous venons de dire suffit pour montrer l’étendue et la variété de ses recherches sur un sujet que l’érudition n’avait point abordé jusqu’à ce jour. Nous souhaitons vivement que des travaux analogues soient entrepris sur les autres provinces de l’ancienne France, car les questions traitées dans les Études sur l’agriculture normande s’adressent non-seulement aux érudits, mais même aux hommes pratiques. Nous ne pouvons que féliciter l’auteur sur l’heureux choix de son sujet et sur la sagacité avec laquelle il interroge les textes en apparence les plus insignifians ; mais nous lui recommanderons d’éviter à l’avenir l’accumulation sur un même fait de détails d’une même nature ; nous lui recommanderons surtout une ordonnance plus sévère, car son travail, en bien des pages, est resté à l’état de notes. M. Delisle, qui est jeune, possède à un degré éminent le sens intime de l’érudition, et tout son effort aujourd’hui doit être de faire dominer la méthode synthétique sur ce procédé d’analyse qui l’entraîne souvent dans des détails par trop secondaires.

L’histoire ecclésiastique de la Normandie, qu’on pouvait croire épuisée par les nombreuses recherches dont elle a été l’objet antérieurement à la révolution française, s’est rajeunie depuis quelques années ; les écrits des laïques, comme ceux des membres du clergé, sont étudiés sous le triple point de vue de l’archéologie, des mœurs, des institutions, et il est résulté de ce concours un ensemble de publications très recommandables.

La cathédrale de Rouen, décrite en détail par les archéologues, se trouvait, pour ainsi dire, démontée pièce à pièce, et il fallait demander au livre de M. Hyacinthe Langlois la description de ses stalles, au livre de M. Deville la description de ses tombeaux, à M. l’abbé Langlois l’histoire de ses maîtres de chapelle et de ses musiciens. Un membre de l’académie de Rouen, M. Fallue, a repris en sous-oeuvre, en historien plutôt qu’en archéologue, tous les travaux de ses devanciers ; il les a complétés par l’étude d’un grand nombre de documens inédits, et, au -lieu de s’en tenir à la simple description du monument, il a écrit la monographie de l’église dans ses rapports avec la société civile et politique. Le travail de M. Fallue a le mérite bien rare d’une ordonnance très régulière, et l’auteur a su y établir beaucoup d’unité en partant de ce principe, que le christianisme étant seul resté debout au milieu de l’ébranlement ou de la ruine de toutes les institutions humaines, on pouvait, dans le dédale du passé, trouver un fil conducteur en groupant autour des institutions chrétiennes les faits de l’ordre séculier. Étendant, d’après cette méthode, ses recherches au diocèse tout entier, M. Fallue a rencontré sur sa route une foule de questions d’un intérêt élevé, et, en donnant l’histoire des évêques, des conciles, il a été naturellement conduit à traiter du rôle joué par les ecclésiastiques normands dans la conquête de l’Angleterre, de la police introduite par eux dans ce royaume, puis de la domination anglaise dans la Normandie, des guerres de religion, et enfin des querelles du jansénisme. C’est là, on le voit, un travail fort important ; M. Fallue y a consacré dix années de sa vie : il a beaucoup fait pour l’histoire de sa province, et l’Institut a fait, ce nous semble, trop peu pour son livre en lui accordant tout simplement une mention très honorable.

À côté de l’histoire de la métropole de Rouen, nous placerons, quoique se