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de l’assemblée législative et il eut raison. Le crédit réclamé lui fut accordé sans marchander, et du même coup l’assemblée, en veine de généreuse inspiration, accorda, toujours sur la demande du ministre, un second crédit de 30,000 francs pour l’achèvement des fouilles du Sérapéum de Memphis et le transport des objets d’art qui pourraient y être retrouvés. C’est ici le moment de dire quelques mots de cette intéressante découverte.

On connaît l’histoire de ce dieu Sérapis, d’antique origine, quoi qu’on ait pu dire, mais que, sous les Ptolémées, un rêve ou un caprice royal remit en honneur. L’Égypte d’abord, puis la Grèce, Rome, l’Italie tout entière lui élevèrent des temples ; et, quand vint le déclin du paganisme et au moment de sa chute, Sérapis était une des divinités les plus vénérées. La nature hybride du dieu explique cette ferveur. Son culte était un de ces cultes complaisans qui se prêtent à toutes les adorations et qu’une religion en décadence accueille de préférence. Les temples consacrés à Sérapis participaient de l’espèce de banalité de ce dieu ; ils étaient appropriés à cette religion composite ; mi-partie grecque, mi-partie égyptienne ; ils renfermaient donc à la fois des monumens égyptiens et grecs, ou gréco-romains. Ces temples étaient nombreux. Il y en avait à Athènes, à Rome et dans toutes les provinces de l’empire. Le temple d’Athènes, construit dans le bas de la ville, a disparu[1]. On voit encore près de Pouzzoles, dans le golfe de Naples, les belles ruines d’un temple de Sérapis, dont les eaux de la mer lavent les marbres antiques, et dont les colonnes, restées debout, renferment à leurs bases des myriades de zoophytes. Le temple de Sérapis à Rome était construit sur le mont Aventin, près de la Via Lata et à peu de distance de l’emplacement occupé aujourd’hui par l’église de Saint-Étienne. C’est à cet endroit que la fable avait placé la grotte de Cacus. Le groupe du Tibre que nous possédons au musée du Louvre et le groupe du Nil du Vatican, deux des plus beaux morceaux que nous ait laissés l’antiquité, décoraient les deux fontaines qui embellissaient l’avenue de ce temple. Nous avons encore au Musée des antiques d’autres fragmens provenant de ses ruines, entre autres le bas-relief égyptien encastré dans le piédestal de la statue en pierre fauve d’un prêtre égyptien à genoux et assis sur ses talons. Toutefois le plus fameux des temples de Sérapis était celui d’Alexandrie ; c’était le Sérapéum par excellence, celui dont Rufin nous a laissé la description. Ce temple avait été construit par Ptolémnée, fils de Lagus. La bibliothèque de ce temple jouissait d’une grande renommée et n’était cependant qu’une dépendance, la fille, comme on l’appelait, de la bibliothèque d’Alexandrie. Cléopâtre y avait déposé les deux cent mille volumes de

  1. Pausanias, t. Ier, chap. XVIII.