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l’aspect de la peinture originale, et se recommande par une certaine largeur d’exécution, bien que le ton de plusieurs parties ne soit pas exempt de lourdeur, et que le contour manque parfois de netteté. Ainsi, la figure placée derrière saint Jean présente, dans son ensemble, quelque chose de vague et d’indécis d’un côté, le pied gauche se confond avec le terrain ; de l’autre, le bras qui tient le bâton ne se relie pas, par l’effet, à la main de saint Jean et ne se détache pas du groupe rejeté au second plan. Le visage de l’apôtre debout à la gauche du spectateur semble trop coloré par rapport aux mains enfin la proportion de quelques têtes, trop forte pour la taille des figures, ôte à celles-ci un peu de leur majesté. Malgré ces imperfections de détail, l’apparition de l’estampe des Apôtres peut avoir sur le goût public une influence favorable. On ne saurait lui donner l’importance d’un événement dans l’art, mais il est permis d’y voir un accident heureux. Si la gravure traduisait moins rarement des compositions de cet ordre, peut-être se détacherait-on plus vite de celles qui n’ont pas de signification morale ; peut-être aussi quelques-uns des prétendus réformateurs n’essaieraient-ils plus de réduire la peinture au rôle d’une industrie subalterne, et cesseraient-ils de sacrifier le respect des conditions de l’art aux entraînemens de la fantaisie ou au culte de la réalité vulgaire.

H. DELABORDE.

ESSAIS SUR QUELQUES POINTS DE LÉGISLATION OU DE JURISPRUDENCE, par M. Biondeau, de l’institut[1]. — Cet ouvrage, composé d’opuscules divers antérieurement publiés, touche à de nombreuses questions. À côté de morceaux qui se réfèrent à une réforme des classifications juridiques, à des projets de codification générale, à côté d’un essai sur l’effet rétroactif des lois, d’un essai sur les contrats nommés au point du vue de nos codes, à côté enfin d’un exposé scientifique du jus in re et du jus ad rem, de l’actio in rem et de l’actio in personam, d’observations sur le code civil de la Louisiane et celui des Pays-Bas, — on trouve des études curieuses sur les principes généraux de la législation. C’est ce dernier côté de l’ouvrage de M. Blondeau qui doit surtout appeler notre attention. Le fondement de tout ordre social est dans la loi, et les obligations qui en dérivent pour tous et pour chacun sont le véritable lien qui unit les hommes ; mais quelle sera la source de la loi ? — Le pouvoir arbitraire du souverain, la conscience humaine éclairée par la raison, ou l’utilité particulière de la société ? — Ici les opinions diffèrent, et la dispute commence. Le droit, dit Montesquieu avec cette hauteur de génie qui le caractérise, est la raison humaine en tant qu’elle gouverne les peuples de la terre. Et sa définition donnée, il fait naître les lois des rapports nécessaires des choses et des êtres. Les rapports des peuples entre eux donnent naissance au droit des gens, les rapports des citoyens dans un état avec eux-mêmes ou avec le gouvernement au droit public et privé. — De la sorte, règle vivante, la loi sort des entrailles même des choses qu’elle a pour objet de régir, elle déclare le droit plutôt qu’elle ne le crée, et lui prête force et action plutôt qu’existence substantielle. Hobbes, pour qui la guerre est

  1. Chez Durand, rue des Grés.