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mal, se défendent par eux-mêmes. Pour ne pas comprendre que ces poèmes sont des plaintes et non des hymnes à l’enfer, il faut ne les avoir jamais lus ou n’en avoir gardé qu’un souvenir très infidèle.

La colère de M. de Lamartine contre les mathématiques et la physiologie n’est pas moins singulière : il accuse les sciences positives de dessécher l’imagination. Après avoir inventé pour le mouvement du soleil une ellipse dont les astronomes n’ont jamais entendu parler, il a vraiment mauvaise grace à se fâcher contre eux. Il ne consent pas à croire que le cœur soit un muscle et se raille des savans qui s’obstinent à soutenir cette thèse. Le cœur musculaire des physiologistes vaut bien le coeur fêlé qui laisse par ses fentes l’amour s’évaporer. La corniche de l’ogive qui sert de portique au tombeau décrit par le poète dans le commentaire d’une pièce adressée à la mémoire de sa mère peut prendre place à côté du coeur fêlé.

Ainsi les notes de M. de Lamartine sur les Méditations et les Harmonies doivent inspirer des regrets à tous ceux qui aiment, à tous ceux qui admirent son génie lyrique. Il eût agi sagement en ne les écrivant pas ; en les relisant, il aurait dû se décider à les brûler.

Quand M. de Lamartine, renonçant à commenter chaque pièce sortie de sa plume, essaie de juger l’ensemble de ses œuvres, est-il plus heureux, mieux inspiré ? Hélas ! non. Il a mis en tête des Méditations une lettre à M. Dargaud, en tête des Harmonies une lettre à M. d’Esgrigny : eh bien ! dans ces deux morceaux épistolaires, il n’est pas moins étrange, moins puéril que dans ses commentaires. Il paraît, d’après son témoignage, que M. Dargaud lui aurait demandé pourquoi le succès des Nouvelles Méditations n’était pas égal au succès des premières. En réponse à cette question, qui n’est pas, à mes yeux du moins, justifiée par les faits, M. de Lamartine adresse à son correspondant une série bruyante et confuse de déclamations sur l’envie, sur la routine, sur les ennemis inévitables que la gloire suscite à tous les poètes applaudis. L’orgueil des vieilles renommées, s’il faut l’en croire, ne s’offense pas des éloges donnés à un nom nouveau. Il accepte les débuts les plus éclatans, mais à la condition de prendre bientôt sa revanche. Que le poète nouveau venu publie un second ouvrage, et la foule, sous l’inspiration des meneurs, c’est-à-dire des jaloux, s’empressera de rabaisser le nom qu’elle avait d’abord applaudi. Si le témoignage de M. de Lamartine était accepté comme irrécusable ; il serait défendu, de réussir deux fois de suite. Je ne veux pas m’engager dans la discussion de cette théorie ; je me contente de contester les faits personnels sur lesquels l’auteur prétend l’étayer. J’ai beau consulter mes souvenirs, j’ai beau interroger les mémoires les plus fidèles, je ne retrouve pas la trace de ces haines jalouses dont le poète se plaint avec tant d’amertume. Si quelques voix sans autorité, sans écho, ont mis les Nouvelles