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chasseurs, un bataillon du 8e de ligne, un du 51e avec deux pièces de douze, et force munitions d’artillerie, qui commençaient à manquer de nouveau. Le corps expéditionnaire devant Zaatcha présenta alors un effectif de sept mille hommes. À partir de ce moment, les choses prirent une tournure tout-à-fait favorable à nos armes. Le 16, le général Herbillon partit à deux heures du matin avec une forte colonne pour faire la razzia des nomades, remise seulement à l’arrivée des derniers renforts. On s’avança en silence ; les éclaireurs ennemis ne se montrèrent point. Au point du jour, on arriva, très près de l’Oued-Djedi, à six lieues de notre camp. Les Arabes avaient dressé leurs tentes entre le lit desséché de la rivière et l’oasis d’Ourled. En un instant, la cavalerie, entraînée par le colonel de Mirbeck, s’élance, traverse la rivière et se précipite au milieu des tentes. L’infanterie, formée en deux colonnes sous les ordres de MM. de Barral et Canrobert, se jette à la baïonnette sur les douars et leurs défenseurs. Nous nous rendons bientôt maîtres d’une ville de tentes et de tous les troupeaux qui sont en dehors de l’oasis. Plus de deux mille chameaux et des milliers de chèvres et de moutons tombent entre nos mains. Cette prise importante devait faire éclater une joie inusitée parmi nos soldats. Ils voyaient venir l’abondance au camp avec la fin de leurs privations. Ils saluaient de leurs acclamations bruyantes ce premier succès de la campagne, qui leur en faisait espérer d’autres. Les nomades n’eurent pas le courage de nous inquiéter à notre retour. Deux des principales tribus qui avaient tout perdu vinrent même traiter de leur soumission pendant les heures de halte accordées par le général Herbillon pour faire reposer la colonne.

La journée aurait été complète, si tout s’était bien passé devant Zaatcha ; malheureusement les troupes auxquelles on avait confié la garde des tranchées se laissèrent prendre les jardins de gauche conquis la veille. Des fusils, formés en faisceaux avec leurs cartouchières, des outils du génie, les habits des travailleurs furent enlevés. Nos soldats, pris à l’improviste, n’avaient pu résister. Le combat se continuait encore avec fureur, lorsque la colonne victorieuse rentrait au camp avec son immense butin. Les Arabes avaient profité de l’absence d’une partie de nos forces pour tenter un effort décisif ; mais, après l’insuccès de leur tentative, ils durent sentir que le moment fatal pour eux approchait.

Cette razzia du 16 eut le plus grand effet sur les indigènes. Les lenteurs du siège avaient fort diminué le prestige de nos armes. Sur tous les points de la province de Constantine, les populations demandaient la guerre sainte, et des chefs secondaires surgissaient partout. Les hommes les plus influens, qui connaissaient mieux notre puissance, se tenaient encore sur la réserve ; mais ils n’attendaient qu’un moment