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ta course badine, où la vie humaine est peinte avec tant de vérité et d’énergie. Jamais acteur ne nous en montrera une image aussi frappante sur aucun autre théâtre, soit que tu assommes gaiement ta femme, soit que tu jettes sans remords ton doux enfant par la fenêtre, soit que tu enfourches ton cheval et sois aussitôt désarçonné, soit que tu danses avec la gracieuse Polly, si belle et si facile, ayant tué préalablement son père dans un mouvement de juste dédain, car il était sourd à l’harmonie de ta lyre, aussi agréable que la clochette des brebis, et « qui n’aime pas la musique est indigne de vivre. » Puis, lorsque le bourreau te conduit à la potence, peut-on ne pas rire en te voyant pousser si adroitement sa tête dans le nœud coulant dont il ne peut se dégager ? Celui qui feint d’être scandalisé quand il te voit sortir impuni des serres de la loi et de celles du diable, et qui regrette que tu le tues lui-même, celui-là est un hypocrite. Il n’y a rien de si charmant que de te voir frapper à coups redoublés son antique et noire carcasse.

Mais à côté de ce Punch ironique, paradoxal et ultradiabolique, que Byron salue en riant d’un air de parenté, il n’a pas cessé d’y avoir en Angleterre, et il y a encore aujourd’hui un autre Punch, satirique, franc-parleur, jovial, prêt à siffler tous les scandales, à fustiger tous les ridicules. Ce Punch, sorte de Figaro britannique qui s’est personnifié de nos jours dans un recueil qui porte son nom, a commencé, dès le dernier siècle, à jouer un grand rôle dans la politique. Voici le titre d’une pièce de marionnettes imprimée en 1712 : Politicks in miniature or the humour’s of Punch’s resignation ; tragi-comi-farcical, operatical puppet-show[1]. On peut soupçonner, d’après la seconde des quatre grandes estampes composées sur les élections de 1754 par Hogarth, que les marionnettes ne furent pas, à cette époque, des dernières à fronder la corruption électorale. Dans cette gravure, intitulée Canvassing for votes (manière de briguer les votes), parmi plusieurs ingénieux épisodes, on remarque, dans le fond, un grand poteau auquel est suspendue une pancarte ou affiche peinte, semblable à celles des puppet-shows. Cette affiche représente Punch, candidat de la trésorerie, promenant par les rues une brouette pleine de bank-notes et de guinées qu’il distribue de droite et de gauche à la foule. On lit au bas de cette pancarte : Punch candidate for Guzzledown[2]. Une autre caricature, qui a trait aux événemens de 1756, semble nous révéler également un titre de puppet-play. Elle est intitulée : Punch’s Opera, with the humours of little Ben, the sailor[3].

Vers 1763, il s’établit à Londres, sous le nom de Fantoccini, de nouvelles

  1. 1 volume in-12. Voyez the Westnzinster Journal, 1742.
  2. Les deux épreuves de cette pièce que possède la Bibliothèque nationale portent la date de 1757. Voyez l’œuvre de Hogarth, t. I et II, grand in-folio. M. Thomas Wright a reproduit cette belle planche dans son ouvrage England under the house of Hanover, etc., 2e édition, t. I, p. 256.
  3. Voyez M. Th. Wright, ibid., t. I. p. 286.