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faut en croire un portrait d’une touche très fine, tracé dans une jolie pièce de vers latins par un jeune fellow de Magdalen-College qui se nommait Joseph Addison, Punch n’était encore en 1697 qu’un vert galant, joyeux et tapageur, une sorte de petit roi d’Yvetot ou de Cocagne, un peu libertin, très hâbleur, mais faisant beaucoup plus de bruit que de mal. Laissons parler Addison, dont la pièce est intitulée Machine gesticulantes, Anglice puppet-shows[1] :

Ludit in exiguo plebecula parva theatro ;
Sed praeter caeteros incedit homuncio, rauca
Voce strepens…
In ventrem tumet immodicum ; pone eminet ingens
A tergo gibbus ; pygmaeum territat agmen
Major, et immanem miratur turba gigantem.

Après la description des avantages physiques, l’auteur passe à la peinture du caractère :

…Jactat convitia vulgo,
Et risu importunus adest atque omnia turbat.


Quant à sa galanterie, elle est plus vive et plus étourdie que perverse :

Nec raro invadit molles, pictamque protervo
Ore petit nympham, invitoque dat oscula ligno.

Quelques passages de cette jolie pièce nous prouvent que le théâtre de Punch était en grand progrès sur les anciens puppet-shows que nous avons vus à Londres du temps de la reine Élisabeth. On se rappelle qu’en 1614, il n’y avait aux marionnettes de la foire de Saint-Barthélemy qu’une seule espèce de places, et à très bas prix : « deux pence ! messieurs, deux pence par personne, les meilleures marionnettes de la foire ! » En 1697, le théâtre de Punch était devenu plus comfortable et moins exclusivement plébéien ; il y avait des places à divers prix :

Nec confusus honos ; nummo subsellia cedunt
Diverso, et varii ad pretium stat copia nummi.

Il ne manquait à la mise en scène aucun des artifices que nous avons vu employés en France et en Italie pour faire naître et entretenir l’illusion, tels que les fils perpendiculaires tendus devant la scène pour dérouter l’œil du spectateur :

… Lumina passim
Angustos penetrant aditus, qua plurima visum

  1. Le badinage dont on va lire quelques extraits a été imprimé pour la première fois, je pense, dans un recueil ayant pour titre : Musarum Anglicarum delectus alter, Londini, 4695, et l’année suivante, avec quelques corrections, dans le second volume des Musarum Anglicanarum analecta, Oxonii, 1699, volume publié par Addison lui-même et dédié à son compagnon d’études sir Charles Montagne.