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maintenue une nombreuse population arménienne. À Van, qui est d’origine non moins reculée, on retrouve le souvenir du contact des Assyriens avec le peuple d’Aram. Cette ville, que les Kurdes, ses possesseurs actuels, appellent Schamiramagherd ou ville de Sémiramis, porte aussi des traces du règne de cette princesse. En avançant vers le sud, les souvenirs de la puissance arménienne se retrouvent encore à Diarbekhr, à Suverik, à Bir, à Mardin et à Nisibin, qui fut une des résidences de Tigrane.


IV

Dans les villages, la même communion réunit ordinairement les habitans de l’Arménie ; mais dans les villes la population arménienne se divise en deux branches très distinctes : les schismatiques et les catholiques. Le nombre des premiers dépasse de beaucoup celui des autres, et il n’y a sorte d’intrigues qu’ils n’imaginent, avec succès quelquefois, pour l’augmenter par des conversions forcées. Cependant ils repoussent la qualification d’hérétiques ; ils la considèrent même comme injurieuse, tout en persistant dans leurs opinions dissidentes. Il y a deux causes très graves qui les maintiennent dans la voie où ils sont engagés : l’obéissance au pape et le mariage. Aux yeux du haut clergé, reconnaître la suprématie de Rome, ce serait un amoindrissement d’autorité, une sorte d’abdication. Quant au célibat, le bas clergé ne le comprend pas, parce qu’il n’a ni le sentiment ni l’intelligence d’aucune des vertus pratiquées par les prêtres latins, et qui les soutiennent dans leur isolement. Les ministres de l’église schismatique se divisent en deux catégories : l’une se compose des derders, qui ne sont que de simples desservans, se mariant, exerçant une profession industrielle, et ne s’acquittant que très irrégulièrement de leurs devoirs. Ils vivent dans l’infériorité et la dépendance vis-à-vis des vartabeds, qui constituent la seconde catégorie et sont les vrais prêtres. Ceux-ci observent seuls le célibat et forment la ’pépinière dans laquelle on choisit les sujets appelés au patriarcat. Les ministres de la communion dissidente sont généralement fort peu instruits et très peu recommandables par leurs mœurs. Quant à la manière dont ils exercent leur ministère, on peut dire qu’elle est complètement stérile au point de vue philanthropique. Il en résulte qu’il y a, au milieu des membres de cet obscur clergé, très peu ou même point de raisons qui établissent la supériorité de l’un d’entre eux sur les autres. Aussi la dignité d’évêque ou de patriarche a-t-elle été presque de tout temps mise aux enchères et conférée au plus offrant.

Il était resté à la Perse, dans la division de l’Arménie, une part beaucoup plus grande que celle qu’elle possède aujourd’hui. Ses