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souvent à la négation ; tel fut le résultat des idées émises par ces deux hérésiarques, et le symbole sacré du fils de Dieu fait homme trouva des incrédules. Des écrits émanés des nestoriens pénétrèrent dans l’Arménie, dont la foi ébranlée prêta l’oreille au schisme, qui l’envahit. De là sa scission avec Rome et Constantinople. Toutefois celle-ci était encore orthodoxe, et la rupture de son alliance religieuse avec Byzance fut fatale à l’Arménie. Elle oscilla long-temps entre l’empire de Constantinople vieilli, ébranlé, et celui qui naissait sous les khalifes. Plus tard, les Grecs ayant voulu les réunir à leur communion, les Arméniens préférèrent se ranger sous la domination des princes musulmans plutôt que d’obéir à l’empereur byzantin. En butte aux vexations des uns, aux invasions des autres, leur pays demeura un champ-clos dont les Grecs et les Arabes se disputèrent la possession. Les premiers punissaient l’Arménie de son obéissance aux chefs musulmans, ceux-ci y répandaient le sang pour se venger de ses infidélités et la martyrisaient à cause de ses croyances. Dans ces temps de prosélytisme fanatique et sanguinaire, s’il y eut des apostats parmi les Arméniens, il y eut un plus grand nombre d’héroïques victimes de la foi chrétienne.

Vers le Xe siècle, la majeure partie de l’Arménie ne méritait déjà plus de porter ce nom. Tous les petits princes entre lesquels le pays était divisé guerroyaient ou conspiraient les uns contre les autres ils allèrent jusqu’à se rendre aux mahométans plutôt que de reconnaître la suprématie de l’un d’entre eux. Un pays divisé par de semblables rivalités ne pouvait subsister ; il fut aisément asservi par les khalifes et envahi par l’islamisme. Quelques débris de la nation arménienne s’étaient retirés et concentrés au nord, vers Kars et Ani. Ce pays forma même un instant, sous la protection d’un des princes musulmans, un petit royaume qui fut le dernier portant le nom d’Arménie. Ani en devint la capitale, et répandit quelque éclat ; mais ce ne fut qu’une lueur passagère.

Le royaume d’Ani avait à peine duré un siècle ; les Mongols le ravagèrent et s’en emparèrent. Les princes échappés à leur cimeterre se réfugièrent en des châteaux inaccessibles où ils continuèrent à porter et portent encore le vain nom de melik ou roi. Dans cette fuite générale des chefs de la nation arménienne, quelques-uns, prenant une direction opposée, s’étaient enfuis jusqu’en Cilicie. Ils y avaient fondé, à Tarse, un petit état qui se maintint bravement au milieu des Grecs, des sultans d’Iconium et de ceux de Syrie. Lorsque les croisés parurent dans l’Asie Mineure, les princes de Tarse se souvinrent de la communauté de croyance qui les rapprochait d’eux, et servirent la cause chrétienne. Il y en eut même qui combattirent glorieusement sous la bannière des princes d’Antioche.

Au XIVe siècle, le dernier roi de Tarse, serré de près par les Turcs,