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quel terrain nous nous croyons sûrs qu’elle se rétablira toujours ; mais, à parler franchement, s’il est une chose douteuse, c’est qu’on puisse, d’ici à l’année prochaine, grouper sur tous les points de la France le parti de l’ordre tout entier autour d’un nom propre, quelque illustre ; qu’il puisse être. Les noms propres, au contraire, semblent avoir la propriété de dissoudre le parti de l’ordre, et même, plus ils sont illustres, plus par conséquent ils réveillent de souvenirs, plus ils paraissent prompts à faire ravage dans ses rangs. Or, l’élection d’un président, c’est avant tout le choix d’un nom propre, et de ce choix dépendra, dans le double combat auquel nous aurons à faire face, l’union ou la dissidence de l’armée de l’ordre. Nous prions en effet qu’on veuille bien ne le jamais perdre de vue : le véritable nœud de la crise prochaine, la véritable nouveauté du péril, c’est l’élection simultanée du président et de l’assemblée. Faites dans le même mois, ces deux élections devront se faire aussi sous la même inspiration. Il sera impossible d’être uni sur l’une et divisé sur l’autre. Les mêmes comités électoraux devront se prononcer entre les candidats à la présidence et dresser la liste des représentans de l’assemblée. Si les défenseurs de l’ordre sont en dissentiment sur un point, ce désaccord se fera sentir dans l’opération tout entière. Et supposant même par impossible qu’un candidat à la présidence se crût assez fort du prestige de son nom, assez sûr de son autorité sur les esprits populaires pour se passer du concours des comités modérés de chaque département, nous ne voyons pas bien encore en quoi son élection isolée serait utile soit à lui, soit à la France. Ne faut-il pas à ce président une assemblée unie avec lui d’intentions et de sentimens ? La France n’est-elle pas rassasiée des conflits de pouvoirs ? et lui est-il réservé, pour dernière épreuve, de voir en face d’un président engagé dans la cause de l’ordre une assemblée où, grace aux dissentimens du parti modéré, l’esprit révolutionnaire parviendrait à disputer ou à dominer la majorité ?

Ainsi une double crise électorale, le terme de tous les pouvoirs réguliers, la loi du 31 mai attaquée peut-être à main armée, une division probable dans le parti de l’ordre, voilà le véritable bilan de l’année 1852. Point de gouvernement, des lois contestées, une majorité rompue, voilà où nous arrivons à un jour marqué par une pente insensible. Il est plus que temps d’y songer.

Comment faire cependant ? Pour sortir d’embarras, faut-il sortir de la loi ? La question est posée avec inquiétude par beaucoup d’esprits honnêtes. Elle est répétée sur un ton de défi ironique par les ennemis habituels de toute loi, déguisés aujourd’hui en défenseurs accidentels d’une légalité révolutionnaire. Nous répondrons aux premiers ; nous n’avons rien à dire aux seconds, excepté qu’ils ne nous font ni illusion ni peur.