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assemblée dont la succession aura déjà saisi ses héritiers présomptifs qu’appartiendrait, nous dit-on, la tâche de valider, d’annuler au besoin l’élection du président, de choisir entre les divers candidats, si aucun d’eux n’a réuni la majorité absolue des suffrages ? On se flatte qu’une assemblée déjà remplacée pourra disposer de la France par testament, et que ses successeurs accepteront avec une piété plus que filiale tous les ordres de sa volonté défaillante ! Malheureusement pour les assemblées comme pour les hommes, le terme de la vie est le même que celui de la puissance, et il y a long-temps qu’on sait que le lit de mort des plus grands rois est entouré de peu d’hommages. Une assemblée et un président dont les pouvoirs seront légalement épuisés, voilà quels seront au plus fort d’une agitation électorale, dans le conflit de partis acharnés, en face de factions audacieuses, les chefs de la société française ! voilà dans quelles mains affaiblies sera déposée toute l’autorité sociale ! Pour se flatter qu’elle y fût en sûreté, il faudrait que nous eussions fait de bien grands progrès dans le respect littéral de la loi. Parlons sérieusement : il n’y aura plus de force de gouvernement en 1852, et les défaillances de la tête se communiqueront à tous les organes. L’anarchie le sait bien, et nous l’entendons de toutes parts donner rendez-vous à ses auxiliaires pour ce jour inespéré où, son éternel ennemi ayant disparu, le terrain lui appartiendra sans contestation.

Et cependant, s’il y eut jamais une occasion où la présence d’une autorité ferme, vigilante, prête à agir énergiquement, ait été nécessaire sur tous les points du territoire à la fois, cette occasion se présentera assurément la première fois où le suffrage universel sera appelé à intervenir pour une élection quelconque, ou de président, ou d’assemblée. Rien n’est en effet, nous le savons, devenu plus difficile à définir que ce qui constitue le suffrage universel. Il avait plu à l’assemblée constituante de donner ce nom à un système électoral de son choix. L’assemblée législative actuelle, usant exactement du même droit, a, par la loi du 31 mai, étendu le temps nécessaire pour reconnaître le domicile véritable du citoyen et pour faire naître en lui cet attachement au sol de la patrie, cette stabilité d’habitudes dont les états les plus démocratiques ont toujours fait la condition nécessaire du droit de cité. Une minorité a émis alors la prétention d’interdire à l’assemblée actuelle la faculté dont la précédente avait usé sans contestation. À ses yeux, le suffrage a cessé d’être universel du moment où la condition du domicile a passé de six mois à trois ans, et, sur cette prétention, la loi du 31 mai, votée aux deux tiers des suffrages, a été déclarée par certains docteurs en droit constitutionnel nulle et non avenue. Une résistance a été organisée contre elle, et n’attend, nous