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principal titre à nos yeux mêmes, c’est d’avoir été un obstacle, mais, entendons-nous, un obstacle contre le mal au moins autant que contre le bien.

Nous ne sommes donc pas injustes pour la constitution de 1848, nous lui faisons la part belle ; nous nous sentons d’autant plus convaincus que son temps est fini. Ce n’est pas assez pour la loi politique d’un grand pays de n’être qu’un obstacle, il lui faut un autre caractère ; il faut qu’elle soit une force agissante et perpétuelle. La constitution de 1848 ne s’est pas trouvée pourvue de la sorte à son berceau. Son utilité n’a été, au contraire, qu’une utilité provisoire. Une fois donnés les mauvais élémens de cette constitution, elle est encore demeurée notre meilleure ressource contre de mauvaises conjonctures ; mais la France périt, si ces conjonctures ne changent enfin, si l’état général de dislocation et de morcellement pour lequel la constitution n’était qu’une sauvegarde et non point un remède, si cet état déplorable des intérêts et des idées ne s’améliore d’une façon définitive. Or, quel moyen de procurer cette amélioration, sans laquelle tout s’en va ? quel autre moyen que de refondre la constitution elle-même, qui tout à la fois entretient le mal et le neutralise ? Nous venons de dire le bon côté qu’elle avait comme symbole de la légalité : on tonnait assez les vices qu’elle tient de son origine, — l’incohérence de la lutte organisée entre tous les pouvoirs les contre-poids supprimés dans le gouvernement, et le reste… On ne se figure pas aussi bien l’effet chaque jour croissant de cette impuissance universelle, impuissance des partis contre la constitution, impuissance de la constitution à vivifier elle-même quoi pie ce soit, puisqu’elle n’a point été dotée du don d’être féconde, puisque l’article qui, dès le principe, en a paru le plus populaire, ç’a été celui qui permettait de la réviser.

Il ne faut pas s’y tromper ; la situation s’aggraverait d’autant plus que l’on s’obstinerait davantage à n’y point toucher. On a beaucoup parlé, dans ces derniers jours, des projets de désordre qui traîneraient dans les bas-fonds des factions extrêmes pour l’anniversaire du 4 mai. Les organes avancés de la presse radicale se sont crus eux-mêmes obligés de protester contre les exhortations anonymes d’un mystérieux comité de résistance, et l’on a opposé les bulletins aux bulletins. On a déclaré que la police seule pouvait inventer de pareilles horreurs, et les plus violens d’entre les radicaux ont recommandé la modération et la discipline dans les rangs de leur armée ; ils ont désavoué les barbares qui demandaient à si grands cris, pour assouvir leur fureur du plomb, du fer et du feu. Nous sommes très persuadés que les radicaux ne se connaissent pas bien entre eux nous sommes sûrs que l’échelle du radicalisme descend de degrés en degrés jusqu’à ce qu’on trouve tout en bas ces hordes farouches qui sortent de dessous les pavés dans les heures d’angoisses pour déshonorer par leurs exploits les révolutions légitimes, pour faire les révolutions criminelles ; nous admettons volontiers que les radicaux civilisés seraient les premiers dévorés par les radicaux sauvages : c’est pour cela que nous ne nous fions pas à eux, quand ils s’offrent comme les seuls, capables de nous protéger contre l’invasion. Qu’est-ce qui ressort en effet de ces publications, qui émanent ainsi l’une après l’autre de leurs sombres officines ? C’est que ces officines rivalisent d’atrocités dans leur propagande. À lire attentivement la procédure quasi-officielle qu’instruisent certains journaux au sujet du dixième bulletin, on apprend qu’il existe en réalité un comité central de résistance ; seulement il