Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 10.djvu/583

Cette page a été validée par deux contributeurs.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


Séparateur


30 avril 1851.

Nous arrivons enfin à l’époque où l’on pourra légalement aborder le grand problème de la révision. Le pacte sous l’empire duquel la France a vécu depuis trois ans a-t-il ou non mérité de durer encore ? La constituante de 1848 était-elle douée de manière à travailler pour un plus long avenir ? Les législateurs élus en 1849 croient-ils le pays assez protégé par la charte républicaine dont ils nous ont aidé à faire l’expérience, pour la léguer imperturbablement à une nouvelle législative, qui, pas plus qu’eux, ne soit à même d’y rien changer ?

Nous reconnaissons, disons-le tout de suite, nous reconnaissons un avantage très réel à la constitution de 1848, un avantage qu’elle ne pouvait pas ne point posséder, mais qui n’en a pas été moins précieux pour la paix publique elle a servi de barrière entre les passions rivales qui se fussent déchaînées de toutes parts ; n’eût été pour les retenir la loi quelconque d’une lettre écrite. Malgré ses imperfections et ses inconséquences, elle a exercé, elle a représenté tout au moins l’impassible autorité du droit positif en un moment de notre histoire où nous étions encore une fois violemment tentés de n’invoquer, d’un bord comme de l’autre, que le droit révolutionnaire du salut public. Tous les partis, les plus honorés même aussi bien que les plus détestables, se figurent trop volontiers qu’ils nous sauveraient d’un coup de baguette, si seulement ils avaient la permission de le donner. Lorsqu’on n’obtient pas cette permission, combien il est encore naturel d’avoir envie de la prendre ! La gloire, la jouissance de ce coup de baguette, c’est le rêve des partis ; mais c’est à rêver ainsi que les peuples perdent l’habitude d’un régime normal, et laissent tous les ressorts réguliers de leur existence se rouiller ou se détendre. Ce n’est point exister tout de bon pour un peuple que d’en être toujours à compter pour le lendemain sur