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Primel, tu n’as point fait ces rimes sur toi-même,
C’est la voix d’un méchant, le cri d’un envieux :
Jamais l’amant heureux ne trahit ce qu’il aime.


III


Violens reproches que Nola adresse à Primel au jour de marché.
— Réponse et départ de Primel.


Oh ! fuyez les pardons[1], redoutez les veillées,
Ames pleines d’amour et toujours épiées !
Où les cœurs sont en jeu, tout est ruse et danger :
Les serremens de mains ne peuvent s’échanger,
Et les aveux charmans aux paroles couvertes
Trouvent dans tous les coins des oreilles ouvertes.
Mais les jours de marchés mouvans, tumultueux,
Aux rumeurs de la foule, aux grandes voix des bœufs
Venez ! Toute à son gain, la pensive avarice
N’ira point s’enquérir de votre vain caprice ;
Ses yeux sont sur sa bourse, et le choix d’un taureau,
L’allure d’un poulain, occupent son cerveau.
Sous la halle profonde, aux portes des auberges,
Prenez-vous donc les mains, jeunes gens, belles vierges ;
Leur fouet autour du cou, leur chapeau sur le front,
Acheteurs et vendeurs sans vous voir passeront.

La veuve ainsi pensait quand, sous sa mante noire,
Le jour de Saint-Michel, elle vint à la foire.

Je le retrouve encor ; le fleuve de l’Ellé,
Et l’Isôle où mon cœur est toujours rappelé :
Eaux sombres de l’Ellé, claires eaux de l’Isôle,
De vos bords enchantés je dirais chaque saule !

Or, la foule remplit les murs de Kemperlé
Et les marchands forains ont partout étalé ;
Mais les draps les plus fins, les toiles les plus blanches,
Les tabliers soyeux, parures des dimanches,
N’attirent point Nola : de portail en portail,
Puis sur l’immense place, au milieu du bétail,
Elle erre bien long-temps. Enfin une boutique
Adossée à la tour de l’église gothique

  1. Fêtes patronales.