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d’ailleurs qu’une querelle d’Allemand. La dette en question avait déjà été payée une fois, sinon deux ; mais à l’expiration du délai, lorsque le commissaire nommé par Soulouque, M. Delva, voulut aborder le chapitre des explications, M. Green, qui ne se sentait probablement pas très fort sur ce terrain, rompit fièrement l’entrevue, et parti pour Washington en annonçant qu’il reviendrait avec une force navale de plusieurs bâtimens. Pendant que M. Delva cherchait dans les archives la quittance de la dette en question, M. Green s’était rendu à Santo-Domingo, où il se fit beaucoup d’honneur, auprès du président Baez et de la population, du mauvais tour qu’il venait de jouer à Soulouque par affection pour les Dominicains[1].

C’est brutal, nous le répétons ; mais enfin c’est sincère. Si frère Jonathan veut un peu trop le bien de ses amis, il sait en revanche franchement détester leurs ennemis. L’hypothèse du refus persistant de la France admise, la nationalité dominicaine ne semblait pas pouvoir tomber en de meilleures mains. Eh bien ! cette hypothèse s’était réalisée. M. Bastide, qui n’avait pas la prétention des grandes choses (car il n’avait que trop de peine à réparer les mauvaises), M. Bastide, dont la timidité diplomatique restera proverbiale, avait cependant compris l’importance de ce que nous dédaignions. Comme entrée en matière, il conclut, le 22 octobre 1848, avec les commissaires dominicains, un traité d’amitié et de commerce, et l’assemblée, avec cette intelligence des questions extérieures qui caractérisait nos nouveaux législateurs, l’assemblée le rejeta sans discussion ! Quant aux appels désespérés que

  1. Voici dans quels termes un journal américain, le Weekly Herard du 27 avril 1850, caractérisait la mission remplie, par M. Green à Port-au-Prince, et celle qui l’avait précédemment appelé dans la partie espagnole, où il affectait de poursuivre une spéculation privée, mais où il s’était présenté avec des lettres de recommandation de son gouvernement. Il aurait même pu montrer mieux aux Dominicains, car les lettres de créance qu’il remit à Soulouque au mois avril 1850 portaient la date du 23 juin 1849. La dernière phrase de l’article que nous citons a dû faire bondir le puissant Faustin Ier sur les marches de son trône :
    «… Mais si on ne fait en ce moment aucun mouvement en ce qui concerne l’annexion de Cuba, il en a été fait plusieurs en ce qui concerne l’île d’Haïti. Son excellence B.-B. Green a été envoyé dans ce pays pour faire un rapport sur son état actuel, sa population, son sol son climat et autres matières, en outre sur sa condition sociale et politique, et M. Green est probablement en ce moment à Washington, préparant et exposant le résultat de ses travaux. Nous ne serions pas du tout surpris, d’après les renseignemens que nous avons reçus, de voir sous peu une expédition partant (avec la sanction du gouvernement de Washington) de quelque port du sud, pour aller aider et assister la portion dominicaine ou espagnole des habitans contre les noirs, et, en fin de compte, envahir toute l’île et l’annexer aux États-Unis. Un projet de cette nature peut être soutenu ouvertement dans les États-Unis, et l’organisation d’une expédition dans ce sens n’éprouvera d’obstacles d’aucun côté. Ce serait une chose glorieuse de renverser ces horribles pirates, les pires des pirates et les bandits couleur de charbon, la population noire de ce que l’on appelle l’empire d’Haïti, et de réduire Faustin Ier à la condition pour laquelle la nature l’avait fait. »