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avec Puello, le soupçon ne l’avait pas même atteint, et il était resté ministre.

Rappelé avec instance par ses amis, Santana revu a Sante-Domingo, où il fut reçu avec transport, et où il ne tarda pas à découvrir qu’une partie de l’opposition, désespérant de le discréditer, avait résolu purement et simplement de l’assassiner. À un signal donné, des barricades devaient l’isoler des points d’où il pouvait attendre du secours, notamment du consulat de France, et on l’aurait ainsi fusillé ou poignardé à huis-clos. Santana, qui devant le péril redevient malgré lui machetero, et qui jugeait d’ailleurs d’un bon effet moral que l’affaire se rapetissât aux proportions d’une querelle privée, Santana, accompagné d’un seul homme, alla rôder la nuit devant la maison où se réunissaient les assassins. Ceux-ci ne se montrèrent pas. Forcé de renoncer à cette application aussi neuve qu’expéditive de la politique de conciliation, Santana prit le seul parti qui lui restât pour éviter un éclat officiel : ce fut de laisser la conspiration s’éteindre faute d’aliment. Aux instances de ses amis, tant étrangers que Dominicains, qui lui conseillaient d’en finir une lionne fois, il répondit : « Puisque ce sont des blocs qui conspirent contre moi, le mieux est que je m’en aille. Si les blancs se mettaient à fusiller les blancs, songez quel dangereux exemple ils donneraient aux nègres ! » Et en effet c’est en voyant couler le sang des maîtres que les esclaves de la partie française s’étaient enhardis à le verser à leur tour : — « Aussi bien, ajouta Santana, tout ceci m’ennuie, et le plus sûr moyen d’en finir avec ces gens-là, c’est que le pays les voie à l’œuvre. » Quelques efforts qu’on fît pour le retentir, il donna sa démission, et ce mot d’ordre d’abstention ayant laissé le champ libre à l’opposition Tejeira, elle trahit son pseudonyme en portant à la présidence Jimenez (août 1848).


V. – PRESIDENCE DE JIMENEZ. – INVASION DE SOULOUQUE.

L’expérience fut prompte et concluante. Sous prétexte d’améliorer les finances, Jimenez désorganisa l’armée, et, sous prétexte d’améliorer l’administration, il désorganisa les finances. Quelques mois après son élection, la frontière était insultée, l’épargne de Santana avait disparu, la gourde dominicaine fléchissait de 30, puis de 100 pour 100 ; le congrès et le pouvoir exécutif étaient en lutte ouverte, et Soulouque, considérant l’est comme une proie facile que la discorde, la misère, le découragement allaient lui livrer, préparait son expédition de 1849.

Jimenez semblait lui-même prendre à tâche d’appeler ce perd en rebutant la seule influence qui travaillât à le conjurer. M. Place conseillait-il la vigilance, on l’accusait d’exagérer le danger pour se faire valoir, M. Raybaud s’efforçait-il, de son côté, de ramener Soulouque à