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allés convoquer la garde nationale à domicile, et elle avait pu se porter sur l’arsenal, avant même que le gros des conjurés, massé sur ce point, et les principaux meneurs du complot, retenus au palais, soupçonnassent son intervention.

Dans l’intervalle, Santana, restée tête à tête avec Puello, avait déclaré froidement à celui-ci qu’il était prisonnier. Puello avait sur lui des armes ; mais, sachant très bien que Santana était homme à le tuer au besoin sur place, il ne songea pas même à résister, et tomba comme foudroyé sur un hamac, ou il resta immobile et muet pendant neuf heures. Au milieu de la nuit, ou le conduisit en prison, et l’arrivée de quelques troupes de Bani et du Seybo, mandées par des ordres secrets, acheva de tenir en respect les Africains. Puello et trois de ses complices furent condamnés à mort à l’issue d’un procès qui ne dura pas moins de quatorze jours. Tous quatre tombèrent sous la même décharge.

Les fatigues d’un genre de vie entièrement nouveau pour lui, une incurable nostalgie qu’irritait un double deuil de famille, avaient profondément altéré la santé du président, qui, une fois tranquille du côté des Africains, crut pouvoir retourner au Seybo. Jamais palais de tyran ombrageux ne fut mieux gardé que la maisonnette isolée et ouverte à tout venant où il s’était retiré avec sa femme et sa fille. Un mystérieux espionnage, que lui-même ne soupçonnait pas, signalait à cinq ou six lieues à la ronde l’apparition de tout visiteur suspect qui, en arrivant chez le général, le trouvait immanquablement entouré de cinq à six gaillards en apparence attachés au service de la maison et inventant pour justifier leur présence toutes sortes de besognes impossibles. S’ils lisaient dans les yeux de Santana que le nouveau venu n’était pas à craindre, tous ces serviteurs improvisés disparaissaient. Le moindre indice suffisait à la police officieuse des Seybanos ; sur une piste invisible pour tout autre, et par une série de déductions qui eussent dérouté le flair moral du Caraïbe, chacun d’eux se faisait fort de deviner l’allure du cheval, la distance que ce cheval avait parcourue, le pays, la position sociale, le caractère et, pour peu qu’on l’en priât, les opinions politiques du cavalier.

Bien qu’elle ne parût pas justifiée ; cette sollicitude des Seybanos n’était pas tout-à-fait inutile, car ou conspirait de nouveau Santo-Domingo. Les partisans de la prépondérance civile avaient profité de l’absence de Santana pour revenir sur l’eau. L’article 210 était devenu le prétexte de cette opposition, qui avait pour chef ostensible le président du conseil conservateur Tejeira, et pour chef occulte Jimenez. Fils d’un blanc mis à mort en 1824 pour complot contre la domination de Boyer, Jimenez n’avait plus de raisons que tout autre d’abhorrer la domination de l’ouest, et c’est même à ce titre qu’il s’était, au moment de la révolution, mis en avant. Malgré ses liaisons bien connues